Entre lutte armée et féminisme: quelques reflexions à propos des femmes combattantes en Colombie*
La lucha armada y el feminismo: algunas reflexiones sobre las mujeres combatientes en Colombia
Carolina Vergel Tovar**
** Doctorante - Université Nanterre Ouest La Défense / EHESS Becaria - Universidad Externado de Colombia. Contacto: carolina.vergel@uexternado.edu.co
* Une version préliminaire de ce texte a été présentée au Colloque «Les femmes dans les conflits armés», CERI - Sciences Po, Paris, 12 mai 2011. Fecha de recepción: junio 20 de 2012. Fecha de aprobación: octubre 15 de 2012.
Sumario
Introduction. I. Femmes combattantes, femmes et lutte armée: des sujets difficiles à cerner dans le contexte colombien. Combien y a-t-il de comba-ttants irréguliers en Colombie? 1. Récits littéraires ou journalistiques sur les guérilleras: 2. Les recherches académiques: 3. Information des programmes du gouvernement de démobilisation, désarmement et réinsertion (DDR): a) La question de l'égalité hommes - femmes: b) La question de la maternité: c) L'exaltation de la famille et du mariage religieux: II. Féminisme et démobilisation dans l'actualité: un rendez-vous manqué? 1. Les difficultés de concilier le travail avec les victimes et les agresseur-e-s: 2. La complexité du contexte de démobilisation: III. Quand l'expérience de la lutte armée rencontre le féminisme: La naturalisation du lien entre vie civile et pacifisme: terrain fertile pour les théories du «care» Conclusion: ou plutôt des questions qui restent ouvertes.
Résumé
Cet article aborde la question de la situation de femmes combattantes à partir du cas colombien. En reprenant ce que les femmes démobilisées disent, ce que l'on dit d'elles ou ce qu'on leur fait dire, l'analyse proposée vise à exposer les difficultés propres au contexte colombien dans le contexte où la compréhension de cette problématique peut sembler utile à une politique de démobilisation non discriminatoire, ainsi qu'à la mise en œuvre des mesures du droit international de promotion et de protection des femmes à l'occasion des confrontations armées.
Mots clés: Condition de la femme; armée; féminisme; droit international humanitaire; egalité hommes-femmes.
Resumen
El presente artículo aborda el tema de la situación de las mujeres combatientes a partir del caso colombiano. Retomando lo que las mujeres desmovilizadas dicen, lo que se dice de ellas o lo que les hacen decir, el análisis propuesto pretende mostrar las dificultades propias a la comprensión de esta problemática en el contexto colombiano, de tal manera que sea útil a una política de desmovilización no discriminatoria y a la ejecución de medidas del derecho internacional de promoción y protección de las mujeres en el marco de las confrontaciones armadas.
Palabras clave: Condición de la mujer, ejército, feminismo, derecho internacional humanitario, igualdad hombre-mujer.
Abstract
This article adresses the situation of women in combat in Colombia. Based on what the demobilized women say, what it has been said about them, or what they are told to say, the proposed analysis intends to show the difficulties that arose in the understanding of these issues in the Colombian context. Thus, it can be useful for a non discriminatory demobilized policy, as well as for implementing measures in the international law for the promotion and protection of women under the armed conflict.
Key Words: Women condition, army, feminism, human international law, equality men-women.
Introduction
Dans mon travail de recherche sur la mobilisation féministe en faveur des femmes victimes du conflit armé en Colombie, la question des femmes combattantes s'est posée d'une façon plutôt marginale, notamment par le biais des quelques cas de guérilleras démobilisées qui militent maintenant en tant que féministes. Mes réflexions partent donc de cette rencontre et ne constituent qu'une première approche de la question des rapports entre féminisme et lutte armée1, mais elles signalent que cette marginalité n'est pas le produit du hasard.
Pour cela, et sans prétendre dresser un panorama général sur les femmes «guerrières» en Colombie, j'envisage plutôt de donner un cadre pour comprendre les discours autour de ces femmes combattantes. Plus que des constats, mes réflexions veulent inviter à se poser des questions sur la place des femmes à l'occasion des confrontations armées.
Dans ce but, je me propose d'aborder quatre aspects: dans un premier temps, je présenterai un aperçu des difficultés pour dimensionner la question des femmes combattantes en Colombie et notamment des sources pour « les connaître ». La problématique du genre dans la région latino-américaine2 et en Colombie en particulier émergeant comme un nouveau thème de recherche, la question des sources se présente en effet d'emblée comme un défi face à un objet pour lequel, de surcroît, les recherches empiriques ne sont pas faciles à entreprendre3. Les représentations sociales et notamment, les représentations institutionnelles de ces femmes soldats, deviennent ainsi un élément encore plus essentiel pour mettre en perspective certains des aspects des rapports de genre4 dans les dynamiques de démobilisation des femmes combattantes en Colombie.
Cette exploration préliminaire du sujet me permettra, dans un deuxième temps, de mettre en exergue la complexité du rapport entre le féminisme et la question des femmes combattantes ; question large et complexe pour laquelle je propose quelques pistes d'analyse qui concerneraient des études plus approfondies. Dans un troisième temps, je reprends les propos de mes interviewées sur le croisement de leur expérience de la lutte armée et du féminisme, lesquels s'avèrent révélateurs des tensions entre ces deux militantismes. Je finis mes réflexions en suggérant, à titre de conclusion, quelques questions qu'on peut se poser à propos de la mise en œuvre des outils juridiques conçus au sujet de la participation des femmes dans les confrontations armées, à partir du contexte colombien actuel.
I. Femmes combattantes, femmes et lutte armée: des sujets difficiles à cerner dans le contexte colombien.
Les femmes combattantes colombiennes ne sont pas faciles à voir. Tout d'abord, il n'est pas très courant de voir des visages féminins représenter les acteurs du conflit armé5. Dans le cas colombien, ces acteurs sont: les forces armées de l'État, les guérillas6 et les paramilitaires7.
Quant à l'Armée officielle, bien que le nombre des femmes militaires ait récemment augmenté, leur participation était limitée à des fonctions administratives jusqu'au 2009, année où, pour la première fois, un groupe de 62 femmes8 a été admis à la formation pour la carrière militaire, et, en principe, à égalité de conditions avec les hommes9. Ce n'est donc qu'à partir de 2012 que des femmes militaires vont éventuellement participer aux combats en ayant un poste de commandement.
Pour avoir une vision plus panoramique et toujours selon les chiffres officiels, en 2007, 3.900 femmes assuraient « le développement des opérations militaires en divers champs d'action »10. Parmi ces femmes, 283 étaient des officières, 852 étaient des sous-officières (les deux groupes étant dédiés à la logistique et à des fonctions administratives) et, finalement, 2.765 étaient des femmes civiles.
Par contraste, quantifier les femmes combattantes irrégulières (guérilleras et paramilitaires) n'est pas une tâche facile car, en général, tous les chiffres concernant ces groupes ne sont que des estimations. Déterminer le nombre des effectifs de la guérilla et des groupes paramilitaires encore en armes en Colombie est d'ailleurs un sujet très controversé et ces acteurs armés ne fournissent pas de chiffres différenciés selon le sexe.
On sait aussi que, pendant une guerre, les statistiques sont une arme stratégique car elles impliquent des conséquences politiques importantes11. Le nombre de combattants est un bon exemple de ce cas de figure, dans la mesure où ce chiffre peut être un indicateur du succès des stratégies mi-litaires officielles, du besoin de renforcement des armées et du budget de l'investissement militaire12, pour ne citer que ces aspects.
Combien y a-t-il de combattants irréguliers en Colombie?
Rendre compte d'une façon précise de la quantité de combattants et combattantes dans un conflit qui dure depuis plus de quarante ans et qui a connu diverses étapes dans son évolution13, processus partiels de démobilisation14, ainsi que des restructurations parmi les acteurs armés en confrontation, n'est pas évident. Pour la présente analyse, je me borne à reprendre les chiffres disponibles, les plus actualisés.
Selon Isaza et Campos15, entre 2002 et 2007, 160.000 soldats de la force publique combattaient contre les groupes armés illégaux, distribuées ainsi: 16.900 guérilleros des FARC, 3.700 de l'ELN et 12.175 des AUC, pour un total de 32.775.
Selon la même étude, après la démobilisation (partielle) des AUC, le gou-vernement estimait qu'en 2007 il y avait 11.000 membres des FARC et 2.500 de l'ELN. Quant aux paramilitaires, avant leur démobilisation (lors des procès issus de la « loi de justice et paix »), le gouvernement a parlé de 12.000 membres environ. Selon les chiffres officiels, finalement, ce sont 31.671 paramilitaires qui se sont démobilisés16.
Comme si ces chiffres n'étaient pas assez disparates, selon Human Rights Watch17, citant des données officielles, après les démobilisations, sont apparus au moins 7 nouveaux groupes, avec environ 4.000 membres, des groupes qui « succédèrent » aux paramilitaires, ou des nouvelles bandes criminelles émergentes (désignées avec l'euphémisme BACRIM, pour « bandes criminelles », selon les termes du gouvernement), ce qui signale la permanence ou la transformation du phénomène paramilitaire et, en tout cas, la continuation du conflit armé entre des acteurs multiples.
On estime que 40% des FARC seraient des femmes18. Sur l'ELN, on ne trouve pas de données précises19. Quant aux paramilitaires, en général, et selon Cynthia Cockburn, les AUC elles-mêmes affirment que 12% de leurs rangs seraient constitués par des femmes20. Les chiffres officiels, eux aussi, sont assez flous. Selon une étude qui reprend des données de la Police Nationale, les femmes démobilisées membres des groupes paramilitaires sont 2.920, chiffre qui équivaut à 9,2% du total estimé21. Selon le same, une autre source, aussi officielle22, la proportion de femmes lors de démobilisations collectives est de 6,3% (1.981 femmes d'un total de 31.472 démobilisés). D'après Silvia Arias, l'information par sexe concernant les démobilisations individuelles est presque inexistante ; à ce sujet, la Police Nationale a rapporté un total de 2.063 femmes en 200723.
D'après Luz m. Londoño, « le cas des mineures (filles) est particulièrement illustratif de la dimension de la présence féminine dans les rangs des combattants: à partir de 1999 et jusqu'en mai 2003, 830 mineurs s'étaient démobilisés de façon individuelle, dont 30% étaient des filles »24.
A mon avis, et malgré les défaillances importantes en matière d'information et de suivi des politiques publiques qu'elles dévoilent, ces chiffres nous permettent d'avoir une idée préliminaire du niveau actuel de participation des femmes dans les groupes armés en Colombie et suggèrent une différence importante entre le poids quantitatif des femmes dans les guérillas, opposé à une présence moins nombreuse parmi les paramilitaires. Différence qui d'ailleurs reste à être étudiée et qui exigerait des analyses qui rendent compte des différents moments dans l'histoire de chacun des acteurs armés, ainsi que des analyses des politiques et des stratégies de recrutement qui puissent expliquer les particularités de la proportion des troupes selon le sexe.
En même temps, concernant les femmes combattantes, ces chiffres laissent plus de questions que d'éléments de réponse. D'où l'importance de tenir compte d'autres sources. Après une exploration purement préliminaire du sujet, on trouve des informations qu'on peut classer en trois types de sources. Selon leur ordre d'apparition historique ces sources sont: des récits, soit d'ordre littéraire, écrits par des guérilleras démobilisées, soit des profils biographiques écrits par des journalistes. On trouve aussi des études académiques sur la question, et enfin, de l'information institutionnelle émanant des programmes de démobilisation, désarmement et réinsertion (DDR) du gouvernement.
On s'attardera ici sur cet état des lieux des sources en essayant de distinguer ce qu'elles signalent de façon explicite, mais aussi certains des implicites qu'on peut en déduire. L'exercice me paraît d'autant plus intéressant que chacune des sources correspond à un moment particulier de l'histoire du conflit colombien, et que, en même temps, chacune caractérise un type d'approche particulier concernant la vie des femmes soldats.
1. Récits littéraires ou journalistiques sur les guérilleras:
Avant que des études académiques ne se fassent, les livres écrits par d'anciennes combattantes ou des reportages (journalistiques ou, parfois, sous forme de romans) sur la vie de femmes en armes ont été la seule source disponible sur la question, un fait qui constitue, à mon sens, une donnée en soi25. Relatifs seulement aux femmes de la guérilla26 et même si ces livres ne sont pas très nombreux, ils ont donné lieu à des études littéraires sur la question 27 et correspondent, selon ces mêmes études, à un genre de récit autobiographique appelé le « discours-témoignage »28.
Selon Elvira Sánchez, ce type de récits a fleuri un peu partout dans toute la région latino-américaine. Ils sont étroitement liés à l'expérience des moments de crise politique des années soixante à quatre-vingt. Ces moments se caractérisent surtout par un engagement critique face à la vague des régimes autoritaires. Ainsi, les études sur ces documents semblent chercher à établir s'il s'agit plutôt de récits de légitimation, pour justifier l'engagement, ou bien de livres dont l'enjeu semble plutôt thérapeutique29. Tous les auteurs coïncident cependant pour les caractériser comme des documents au service de ce qu'on appelle actuellement le « devoir de mémoire », dans un sens large du terme30. Un « devoir de mémoire » qui, en tout cas, va être accompli par les femmes elles-mêmes, faute de place dans l'histoire officielle et dans les espaces de représentation et de négociation politique qui ont conduit à la démobilisation31.
Mais il y a lieu de souligner aussi d'autres aspects, plus en fonction de leur mise en contexte32. Je me bornerai simplement ici à en signaler un. A mon avis, le fait que des livres de ce type aient été publiés (le livre de Vásquez grâce à un prix du Ministère de la Culture colombien, d'ailleurs), montre, en tout cas, pour l'exemple de ces femmes démobilisées, qu'elles disposaient des ressources et de compétences pour produire ce type de documents, et devenir des personnages publics ou, au moins, des conditions favorables pour pouvoir rendre public leur récit33. Sans connaître les chiffres de ventes et les réactions à la fois du « grand public » et des spécialistes face à ces publications, cela suggère en tout cas l'existence d'un espace plutôt réceptif, avec un regard éventuellement légitimant à l'égard des anciennes combattantes34. C'est précisément ces éléments de 'bonne réception' qui vont changer et qui, à mon avis, sont devenus beaucoup moins évidents dans l'actualité, en même temps que se produisent les premières études académiques en la matière.
2. Les recherches académiques
Si on les compare avec les nombreuses études sur d'autres aspects du conflit armé colombien, y compris sur les femmes dans la guerre, les recherches, et plus précisément, les publications résultant d'une recherche sur les femmes combattantes ne sont pas très nombreuses.
Dans le but d'inviter à une lecture approfondie des publications que j'ai pu trouver (et sans prétendre présenter un état des lieux exhaustif sur le sujet), je propose ici une comparaison schématique des aspects fondamentaux des travaux que j'ai trouvés après une exploration panoramique ; je me borne ensuite à signaler certains traits communs à ces recherches, ainsi que d'autres, moins explorés. (Tableau 1)
Venons-en à quelques éléments marquants qui caractérisent cette littérature, à travers ce bref aperçu. Toutes les études visent à connaître les raisons et les conditions de l'adhésion aux groupes armés, ainsi que du moment de l'abandon de la vie guerrière. Aucune de ces études ne travaille en relation avec des femmes actuellement détenues, et seulement une fait référence à des guérilleras actives. Dans les conclusions de tous ces ouvrages, on remarque aussi un clivage important entre les femmes d'origine paysanne et celles d'origine urbaine, distinction qui se révèle au final plutôt déterminante tantôt pour les motivations et conditions du recrutement, tantôt dans l'assignation de tâches et de responsabilités selon le niveau et le type de formation des femmes. Le recours aux entretiens avec des hommes n'est pas très courant. En revanche, l'intégration du cadre familial et/ou communautaire lors de la démobilisation prend une place assez importante dans les analyses, dans la mesure où toutes visent à évaluer les difficultés du retour à la vie civile.
Actuellement, on remarque aussi un nouvel angle de recherche qui s'ouvre sur l'analyse d'autres formes d'appartenance ou de soutien aux acteurs armés (Wills et Rivera, 2009). Un aspect jusqu'à présent très peu exploré35 et qui exige des critères qui puissent rendre compte de la complexité des dynamiques du fonctionnement des groupes armés, lesquels se structurent en réseaux familiaux et sociaux de soutien ou bien se servent d'eux. Des recherches qui pourraient permettre de mieux comprendre les rouages de la lutte armée, en tenant compte de la complexité et des évolutions autour de la distinction entre combattante/non-combattante (critère par excellence du Droit International Humanitaire -DIH36-) et sur lesquels nous reviendrons. Ces analyses peuvent aussi devenir essentielles pour aider à construire une histoire collective au-delà de critères purement juridiques, où la logique d'imputation des responsabilités est largement plus importante (et obéit à des logiques différentes) qu'un effort global de compréhension37.
Concernant cet aspect, l'importance de construire une telle mémoire devient à mon avis plus évidente encore lorsqu'on observe les absences significatives, les silences et les limitations de la « version officielle » issus des programmes du gouvernement colombien.
3. Information des programmes du gouvernement de démobilisation, désarmement et réinsertion (DDR)38
Encore une fois, les chiffres sont un point de départ pour avoir une idée préliminaire sur les dimensions de la question des femmes combattantes et, en l'occurrence des démobilisées. Selon l'Agence Présidentielle pour l'Egalité des Femmes, on estime qu'entre 2004 et 2008, un total de 15.273 personnes se sont démobilisées ; dont 2.536 sont des femmes (17% du total), distribuées ainsi: 165 des AUC, 1.842 des FARC, 426 de l'ELN, 7 de l'EPL et 16 de l'ERP39 (les deux dernières, des guérillas de gauche presque disparues actuellement).
Selon le Bureau du Haut Commissaire de la Paix (dépendant aussi du pouvoir exécutif colombien), entre août 2002 et le 31 août 2008, il y a eu: 16.696 démobilisés, dont: 10.356 des FARC, 2.199 de l'ELN, 3.682 des auto-défenses (malgré le fait que le gouvernement a soutenu qu'il n'y avait plus de paramilitaires) et 457 des dissidences (sans préciser le groupe originaire). De ce total, 2.768 sont des femmes (17%). Malheureusement on ne distingue pas selon l'appartenance aux groupes.
Outre le fait de montrer encore une fois le caractère flou des statistiques du gouvernement, ces chiffres révèlent surtout le haut niveau de recrutement des groupes armés: « un simple calcul montre que pour 100 guérilleros qui abandonnent le conflit, la guérilla a réussi, pendant la période 2002-2007, à recruter 84 combattants »40.
Cela nous offre un élément intéressant pour aider à expliquer la question épineuse de la gestion de l'information, côté gouvernement, sur la population démobilisée en général: c'est que le recrutement est aussi un autre front de bataille. Plusieurs aspects significatifs de ces sources le confirment, en particulier deux: l'usage partisan des récits des femmes démobilisées d'une part, et, d'autre part, ce que j'appellerai ici l'ultra-féminisation de l'image de la vie civile.
Par rapport au premier aspect, on observe que l'information institutionnelle sur les femmes démobilisées ne concerne, en général, que les femmes de la guérilla, en comparaison avec ce qu'on pourrait appeler « l'invisible » femme paramilitaire. Grâce à des récits de vie, des témoignages diffusés, on peut connaître les 'histoires' du recrutement, le style de vie en tant que combattantes, les expériences les plus traumatiques, etc. de ces guérilleras démobilisées. Tandis que sur des femmes paramilitaires, on ne peut apprécier que leur vie après la guerre. En résumé, on évite le plus possible toute l'information concernant le fonctionnement interne des paramilitaires, tandis que la vie quotidienne d'une guérillera est décrite avec de nombreux détails. Ceux-ci visent, la plupart des fois, à signaler la cruauté de ce type de vie et le non-sens de la lutte armée.
Outre cet usage partisan des récits de vie, on assiste aussi à la construction d'un profil de 'femme démobilisée' qui serait utile à la politique de réinsertion, dont je voudrais souligner un élément en particulier: la vie civile implique, voire impose tantôt une re- ou une sur- « féminisation »41. En effet, à partir des témoignages cités dans les documents et les vidéos institutionnelles, je remarque trois aspects qui structurent tous les récits et qui sont spécialement mis en valeur dans chacun des documents: la question de l'égalité hommes/ femmes, la question de la maternité et finalement, l'exaltation de la famille et particulièrement du mariage catholique (ou religieux42).
a) La question de l'égalité hommes-femmes
A contre courant de la littérature qui a établi un lien entre participation des femmes à la guerre et émancipation43, en particulier lorsque celles-ci sont combattantes, la documentation des programmes de DDR du gouvernement colombien s'inscrit en faux contre cette vision. Les témoignages mis en avant affirment de manière récurrente: « cela n'était pas l'égalité ». Les effets « masculinisants » de la vie guerrière sont également présentés ainsi: « on est obligé de devenir presqu'un macho, même la grâce pour marcher, on finit par la perdre... », raconte un témoignage.
A partir des récits publiés par le gouvernement, il apparaît que les femmes n'ont jamais fait l'expérience de l'égalité au cours de leur participation à la guérilla. Bernées par des promesses d'émancipation, une fois recrutées, elles sont finalement soumises à la division sexuelle du travail et se cantonnent à cuisiner, dispenser des soins infirmiers et, même, des services sexuels. Le véritable « empowerment » féminin, par opposition, ne semble alors se produire qu'au moment où les guérilleras ont le courage de renoncer aux armes et de rejoindre le programme de démobilisation.
D'une façon moins systématique mais tout de même très parlante, le ca-ractère genré des politiques de DDR s'est manifesté aussi à partir de l'affaire d'une campagne publicitaire financée par le Ministère de la Défense pour promouvoir la démobilisation des guérilleros. La campagne utilisait des affiches avec des photos de femmes en maillot de bain qui servaient de fond au slogan: « démobilisez-vous, ça vous donnera des bénéfices et votre liberté ». L'intérêt de cette affaire est double: d'abord, elle a donné lieu à une action en justice de la part d'un groupe de militantes féministes. Mais aussi car cette action « de tutela » s'est adressée en plus contre la première femme élue en tant que Ministre de la Défense, Martha Lucía Ramírez. Comme l'explique l'avocate qui a présenté la plainte44, même si celle-ci a été rejetée pour des raisons techniques (les requérantes n'ayant pas la représentation légale des femmes exposées sur les affiches), l'action a été tout de même une réussite: le juge a ordonné de retirer et de détruire ce matériel « publicitaire » et, surtout, à ordonné « à toute autorité publique et privée de s'abstenir dans l'avenir, d'employer le corps de la femme dans des conditions qui portent atteinte à sa dignité ». Le caractère sexiste de l'affaire est plus qu'évident: les femmes réduites d'un côté, à représenter un objet, un prix à réclamer en échange d'une arme et d'un uniforme, la femme ministre, réduite à être porte-parole d'une logique « masculiniste » de l'univers guerrier.
b) La question de la maternité
La documentation officielle nous offre aussi des détails abondants sur les conditions de contrôle (exercé de manière très brutale, limite « animalisant ») de la sexualité et de la maternité auxquelles les femmes guérilleras sont soumises. Or, dans les témoignages des hommes guérilleros démobilisés il n'est pas question de ces aspects, comme si le sexe et la reproduction ne concernaient que les femmes.
En toute logique, la démobilisation est ici associée à la maternité et au fait d'accomplir cette expérience en toute liberté. Par ailleurs, le fait de devenir mère paraît le moyen par excellence de compenser le fait d'avoir porté une arme et d'être associée au fait de tuer ou d'avoir aidé à tuer. Ce discours sur la maternité s'illustre notamment par le communiqué des Forces Aériennes à l'occasion de la fête des mères45; celui-ci présente une collection de récits très crus, relatifs à la vie des femmes dans la guérilla (des femmes guérilleras blessées et soignées après-coup dans des conditions cruelles, des guérilleras abusées sexuellement, candidates au suicide...) et s'achève avec l'histoire d'une femme enceinte qui a tout risqué pour sauver son bébé, porté dans son sac à dos en échappant à la guérilla. Cette femme est décrite comme « un oiseau qui a de nouveau des ailes »46.
Ces femmes combattantes d'abord, démobilisées ensuite, sont ainsi soumises à un double « façonnage du corps », toujours dans l'objectif de les faire correspondre aux canons imposés concernant un statut qui, autrement, ne leur serait pas reconnu. Après avoir dû s'adapter à la vie des guerriers, elles doivent donc « redevenir femmes »47. De surcroit, il semblerait que le contexte idéal pour cette « re-féminisation » n'est pas un autre que la famille.
c) L'exaltation de la famille et du mariage religieux
Cette exaltation d'un devoir de maternité rejoint un univers en principe complémentaire, celui de la famille, qu'il s'agisse d'un retour chez les siens, d'une réconciliation avec ses proches ou de la construction d'une nouvelle cellule familiale. On trouve assez souvent des images de mariages religieux (catholiques ou autres) comme illustration principale des bulletins d'information sur les programmes de DDR48.
Il est probable que l'usage de ces témoignages anticipe ce que Felices-Luna décrit comme « les représentations sociales que la population développe » à propos de l'image de la femme soldat. J'ajouterai, au moins les représentations de leur entourage familial et social, et qu'en conséquence, ces récits visent à déconstruire49. Mais tout cela montre bien qu'une analyse de genre approfondie de la politique de DDR du gouvernement colombien reste à être faite afin de mieux comprendre les facteurs qui jouent à l'heure de la construction identitaire des femmes démobilisées.
En filigrane, le gouvernement tente de montrer qu'une ex-combattante a réussi effectivement à revenir à la vie civile quand elle incarne, en fait, le rôle de la femme traditionnelle : mariée à l'église, mère, coquette, « féminine », et, implicitement, dépolitisée. Cette dépolitisation est plus que présumée, j'y reviendrai après.
La perspective féministe promue par certains programmes et outils juridiques du droit international humanitaire et du droit international des droits humains paraît donc plus qu'opportune pour interpeler les politiques du DDR en Colombie50. Or, cette promotion demeure timide et cela, malgré l'intérêt accru pour les effets de la guerre sur la vie des femmes en Colombie.
II. Féminisme et démobilisation dans l'actualité: un rendez-vous manqué ?
Quand on travaille sur le conflit armé colombien, en observant le panorama des sources sur les femmes combattantes en Colombie, on constate assez vite l'importance générale gagnée par la question des femmes dans le conflit colombien. Pourtant, comme on l'a déjà souligné, on y parle étonnement peu des femmes combattantes51. Comment expliquer cette place marginale ? A défaut d'une recherche empirique spécifique sur la question, mais pour encourager des projets dans ce sens, je me limiterai à proposer ici quelques pistes pour essayer d'expliquer les difficultés pour aborder la question des femmes démobilisées, en particulier pour les associations féministes dont leur travail à introduit un regard genré du conflit armé.
Il y a, à mon sens, au moins deux facteurs qui peuvent servir d'éléments de réponse: tout d'abord, les difficultés à concilier le travail avec les victimes et les agresseur-e-s et, ensuite, les problèmes de sécurité de la population démobilisée, ainsi que des victimes elles-mêmes. Deux lignes de problèmes qui relèvent in fine de la persistance du conflit armé.
1. Les difficultés de concilier le travail avec les victimes et les agresseures
Bien que beaucoup de militantes féministes que j'ai interviewées pour ma propre recherche à propos de leur travail sur la cause des femmes victimes de la guerre insistent sur les difficultés propres au processus de construction de confiance avec les victimes (notamment par rapport aux dénonciations judiciaires52), difficultés qui peuvent par exemple présupposer le fait d'exclure tout travail simultané avec les femmes soldats, il y a lieu de se demander si la distance avec la question des femmes combattantes ne dévoile pas aussi une vision partisane de la part des féministes.
« En regardant ce livre sur les femmes combattantes au Congo, j'ai eu du mal à accepter l'idée que les femmes peuvent aussi être des 'victimaires' ». Commentaire plutôt d'ordre anecdotique qu'une féministe militante colombienne a fait lors de notre entretien en me racontant son expérience en tant que consultante en République Démocratique du Congo (rdc). Ces propos ne représentent pas le mouvement féministe colombien bien évidemment. Ils suggèrent cependant une piste à explorer, déjà suggérée par d'autres analyses: « selon A. salazar, 80% des démobilisées travaillent ou ont travaillé dans des projets de paix. Néanmoins, les organisations de femmes pour la paix ne les reconnaissent pas à cause de leur passé de 'guerrières'. Tandis que les universités et les institutions de réinsertion les convoquent pour donner des conférences, des formations et des conseils sur la question de la paix, les organisations féminines leur nient ce droit »53.
Précisons que dans le contexte du militantisme colombien, on distingue mouvement féministe et mouvement pour la paix, même s'il y a des organisations de femmes qui s'inscrivent dans les deux registres. En tout cas, il paraît difficile de pouvoir concilier le travail pour les victimes ou pour la paix avec le travail à côté des anciennes combattantes.
Plus qu'un critère pour essayer de classer le travail associatif et militant, la difficulté de réunir agresseur-e-s et victimes révèle l'importance de ce clivage face à un conflit qui se dépolitise, où on « brouille l'ennemi », pour reprendre les termes de D. Pécaut54. Fait curieux: au fur et à mesure qu'une lecture politique du conflit devient plus difficile et du coup, qu'il est un objet difficile à saisir par le DIH, la définition de « victime » devient encore plus importante que celle de « civile » à l'heure de réclamer un traitement humanitaire et encore plus, quand il s'agit de bénéficier de certains droits55.
Concernant les femmes combattantes, deux preuves confirment cette tendance. La situation des enfants soldats, tout d'abord, considérés avant tout comme des victimes, en est une. La récente « loi de victimes56 » adoptée en Colombie et le mouvement des droits humains, ainsi que les militantes féministes, coïncident tous sur ce point, tel que l'énonce le droit international en la matière57. L'autre preuve est la reconnaissance des femmes ex-combattantes comme étant, tout à la fois, des victimes et des agresseures, dont la condition de victime découle des inégalités de genre auxquelles elles ont été exposées dans le cadre de leur participation aux groupes armés58. Outre le fait d'introduire une injonction de poids au nom de la protection des droits humains des femmes au DIH, la possibilité de considérer les femmes démobi-lisées comme étant aussi des victimes, implique des cadres de « victimisation horizontale », suivant l'expression d'Iván Orozco59, mais structurée à partir d'une situation partagée par des victimes et des agresseures, en raison de la violence subie en tant que femmes60.
Or, malgré les potentialités politiques et juridiques ouvertes par cette reconnaissance (et dont les formes de concrétisation demeurent à être explorées), à ce cadre s'ajoutent les risques matériels et les conditions juridiques actuelles de la démobilisation en Colombie, aspects qui paraissent rendre la situation des ex-combattantes plus risquée, en même temps qu'ils rendent plus difficile la mise en parallèle des processus de victimisations des femmes civiles et des combattantes.
2. La complexité du contexte de démobilisation
Pour se donner une idée générale de la situation, il convient de reprendre certains chiffres: « A partir de 2004 et jusqu'en mars dernier, le Bureau du Haut Commissaire rend compte de plus de 1.622 assassinats, mais sans spécifier combien parmi eux on en attribuait aux paramilitaires et combien à des groupes guérilleros comme les FARC et l'ELN. Cependant, le nombre d'homicides parmi les démobilisés s'est lentement accru chaque année: en 2004 ils ont été 28, puis 114 en 2005. En 2006 les assassinats atteignaient un total de 296 et l'année suivante 365. En 2008, les assassinats de démobilisés étaient au nombre de 374 et l'année dernière on a enregistré un cas de plus, soit 375, selon les données fournies par le Bureau du Haut Commissaire en reprenant les registres de la Police »61. Il n'y a pas de chiffres discrimInés par sexe et donc on ne sait pas si parmi les démobilisés assassInés il y avait des femmes.
Sans vouloir dire que les démobilisé-e-s dans les processus de DDR du passé n'aient pas dû faire face à des risques pour leur vie (le cas de l'assassinat systématique des membres de l'Union Patriotique -UP- en est la preuve62), il faudrait préciser tout de même que cette systématicité dans le cercle de la violence contre ceux et celles qui abandonnent la lutte armée est un phénomène toujours d'actualité. On peut affirmer avec le gouvernement que cela montre une délégitimation de la lutte et le besoin de punir plus gravement la défection comme moyen de dissuasion. On peut aussi ajouter que cela met en évidence l'incapacité de l'État à protéger cette population.
Un autre élément rend particulièrement risqué l'acte de démobilisation, au moins dans le cadre institutionnel proposé par le gouvernement. En effet, il faut savoir qu'en général et par principe, les démobilisations sont encadrées dans une logique de « collaboration avec la justice ». Peu importe s'il s'agit d'une démobilisation individuelle ou collective et même, si on parle d'un-e paramilitaire démobilisé-e dans le cadre de la loi de Justice et Paix (en tenant compte de toutes les critiques qui lui ont été adressées en raison de sa faible effectivité face à une situation d'une énorme impunité63). Ce qu'il m'intéresse de souligner ici c'est que toute démobilisation formelle est inscrite dans une logique avant tout d'échange: information vs. bénéfices (aides financières, possibilité d'accéder à des formations, à un soutien pour des projets productifs pour un temps déterminé, qui change selon le type de démobilisation). Tant que la guerre dure, l'information fournie par les personnes démobilisées est précieuse pour le gouvernement.
Or on est aussi face à des processus de DDR moins politisés, qui n'ouvrent pas toujours les mêmes possibilités d'insertion dans la vie publique. Elément de contraste important avec les processus de démobilisation des années 90' et les processus actuels, post « justice transitionnelle », dont les exigences et les expectatives, standardisées sous les principes de « vérité, justice et réparation ». Ceux-ci sont devenus synonyme, en Colombie, d'une expectative de judiciarisation inexorable du processus postérieur à la démobilisation, au moins de la part des victimes et d'une partie importante des experts sur la question64. Autrement dit, le cadre des conditions qui définissent les termes de la DDR a changé, car les termes de la confrontation, ainsi que sa perception se sont aussi modifiés et avec cela, les expectatives par rapport aux personnes démobilisées. Bref, la dégradation de la guerre, la dépolitisation de la confrontation tantôt dans les pratiques, tantôt dans les discours des acteurs armés, ainsi que le nouvel arsenal juridique construit et affiné au niveau international déterminent maintenant le cadre « idéal » de légitimation des processus de DDR actuellement en marche en Colombie65.
Le fait que, depuis récemment, le processus de DDR soit limité et contesté mais surtout le fait qu'il n'ait pas pacifié les violences66 (ou qu'il ait dû s'appliquer dans un « pré-post-conflit »67), renforce les expectatives pour que « justice soit faite ». Si l'on adopte la posture qui présente les situations de sortie de guerre comme un bras de fer entre d'un côté l'objectif de paix et de l'autre celui de justice, dans le cas présent, c'est le désir de justice qui l'emporte, la paix apparaissant comme un « eterno pendiente » (éternel à venir). Cela renforce la dimension juridique de la démobilisation qui affecte bien évidemment les femmes ex-combattantes. Une étude sur les éventuelles différences entre les formes et dynamiques de collaboration avec la justice, ainsi que les conditions de la réinsertion, entre hommes et femmes ex-combattant-e-s, pourra éventuellement permettre de creuser la question et de déterminer s'il s'agit d'un processus genré et de quelle manière.
Il faudrait aussi dire que le défi du travail avec les paramilitaires démobilisées peut être particulièrement éprouvant car les ONG de défense des droits humains en général, dont une bonne partie d'organisations de femmes, ont été déclarées comme étant des objectifs militaires dans de multiples communiqués des AUC et le sont encore, sous la signature des paramilitaires non démobilisés ou des nommées « bandes émergentes »68. Un travail ou des recherches de la part du militantisme en faveur des droits humains et au service de la réconciliation ne paraît pas très facile à entreprendre, dans ces conditions. En tout cas, on peut affirmer que les clivages créés par les dynamiques du conflit ne semblent pas être brouillés par les politiques de DDR. En même temps, il existe des pistes qui montrent la difficulté ou tout simplement le désintérêt de ces politiques à réintroduire une dimension politique de la lutte armée. Mais cette dépolitisation (qui ne vise pas que les femmes), peut être contournée, voire contredite par le biais du féminisme.
Malgré la complexité qui paraît caractériser le lien entre militantisme féministe actuel et femmes combattantes, je voudrais terminer mes réflexions en reprenant des histoires précises, à partir des trajectoires des féministes que j'ai rencontrées pour mes recherches liées à leur travail sur le conflit armé en Colombie, qui servent d'articulations, sinon d'exemples de possibles liens entre l'expérience de la lutte armée et le féminisme.
III. Quand l'expérience de la lutte armée rencontre le féminisme
Dans mes entretiens avec des féministes militantes qui ont fait partie d'une guérilla69, il y a quelques éléments qui sont toujours mentionnés à propos de cette vie passée comme les expériences les plus « absurdes » et les meilleurs exemples du conflit entre féminisme et lutte armée. Le premier, c'est la critique répétitive de la femme féministe comme une femme bourgeoise70; le deuxième, c'est la question de la vie affective et son rapport au militantisme armé et enfin et surtout, la division sexuelle du travail militant. Trois éléments qui dressent un triste bilan et qui les ont amenées à considérer la lutte armée comme un choix de vie complètement incompatible avec leurs préoccupations féministes.
Ce conflit de logiques, qui a forgé la question de la possibilité ou de l'impossibilité du « double militantisme »71 en tant que féministe et en tant que militante de gauche, radicalisé de surcroît par le choix de la lutte armée, a occupé une place importante lors des rencontres féministes latino-américaines. Il révèle la difficulté des militantes à vivre cette tension. La tension entre ces deux pôles a été même présentée comme une sorte de bras de fer presque insurmontable qui présuppose d'ailleurs un dilemme éthique ou, du moins, d'ordre théorique qui opposerait marxisme et féminisme72.
A ce sujet, des études sur les expériences visant à articuler féminisme et le militantisme armé de gauche dans les pays du Cône Sud, montrent une différence importante entre les femmes qui ont continué à militer à gauche après la fin du militantisme (armé ou non-armé)73. D'autres approches mettent l'accent sur les profils plus ou moins féministes des guérillas pour expliquer les différences dans l'expérience vécue des femmes combattantes. Par exemple, Luc Capdevila affirme que « au sein du M-19 en Colombie comme au sein du Sendero Luminoso au Pérou, mais certainement pour des raisons différentes, les femmes étaient plus nombreuses, occupaient des responsabilités et participaient aux opérations militaires... le M-19, dont l'assise était urbaine et estudiantine, avait une dimension féministe »74.
Mais en règle générale, la prétention de concilier des idéaux de reconnaissance et de redistribution, pour reprendre les termes de Nancy Fraser, n'a pas été un problème singulier ni facile à résoudre. Dans les cas de mes interviewées, cela a fini par l'abandon de la lutte armée pour adopter par la suite une vie dédiée au militantisme féministe.
Or, ce changement, qui s'apparente à une rupture, constitue un lien significatif entre leur expérience dans la guérilla et leur militantisme féministe actuel. Deux éléments identifiés dans leurs récits le suggèrent: d'abord, le lien entre « vie civile » et pacifisme ; lien qui se voit renforcé par les théories féministes sur le « care », le deuxième élément, qui est véhiculées comme fond structurel de leur activisme actuel.
La naturalisation du lien entre vie civile et pacifisme: terrain fertile pour les théories du « care »
« Si j'ai quitté la guérilla c'est pour travailler pour la paix ». Voilà la phrase qui me semble résumer assez bien cette association entre vie civile et pacifisme, présentée de surcroît comme quelque chose de naturel par les protagonistes. Dans le discours de ces femmes, le pacifisme n'est pas vu comme une option, mais il est vécu comme un devoir d'ordre éthique et politique. Il n'est pas donc étonnant qu'un échafaudage conceptuel à partir des théories du « care »75, soit aussi mobilisé dans le discours qui justifie le militantisme féministe « pour la paix ». L'idée d'une relation spécifiquement féminine avec « le soin de la vie » est présentée comme un des piliers de l'activisme et rajoute au discours l'idée d'un militantisme « pour la paix » mais aussi spécifiquement « contre la guerre », des militantismes qui peuvent se confondre mais qui sont en fait différents (le deuxième représente une position plus radicale de refus absolu de la voie armée). Or, à différence du discours moraliste qui caractérise les politiques du DDR, cette position prétend légitimer une voix politique face au conflit armé et notamment, celle des femmes face aux exactions ainsi qu'à la solution éventuelle du conflit.
Il faudrait tout de même souligner que les théories du « care » semblent gagner en pertinence quand elles abordent l'expérience de la maternité, laquelle réapparaît comme la « pierre angulaire » du conflit émotionnel et moral entre la lutte armée et « la femme que je voudrais être ».
Il n'est pas nécessaire de rebondir sur ces propos pour en souligner le paradoxe: tantôt le discours institutionnel, tantôt les récits (peu nombreux) des femmes ex-combattantes, qui maintenant s'opposent même aux politiques du gouvernement, suggèrent l'idée que la lutte armée serait incompatible avec quelque chose de féminin, où la maternité occupe une place particulièrement importante. Peu importe ici le « lieu politique » depuis lequel ces femmes ex-combattantes parlent, la maternité et, j'ajouterais, sa signification sociale spécifiquement féminine, montrent un trauma commun pour les femmes combattantes. Cette observation invite à creuser la question pour voir comment elle est articulée dans différents contextes de guerre ainsi qu'à différents moments historiques. Plus qu'un constat, je voudrais attirer ici l'attention sur les dérives propres à un regard « sensible au genre » quand il s'agit de concevoir des figures comme celle de l'ex-combattante, dès lors que des politiques de DDR et de justice transitionnelle se mettent en place.
Conclusion: ou plutôt des questions qui restent ouvertes
Ce que les femmes ex-combattantes disent, ce que l'on dit d'elles et ce qu'on leur fait dire, offrent un champ de recherche très riche et, pour le moment, à peine exploré en Colombie. Pour conclure donc, je voudrais proposer quelques réflexions sur ce que l'on ne dit pas.
Il me paraît pour le moins curieux que l'application du Droit International Humanitaire (DIH) ne soit pas posée de façon plus explicite à partir de l'expérience des femmes combattantes, et cela malgré les développements en faveur d'une perspective différentielle dans ce domaine76. L'omission est peut-être, dans le contexte déjà décrit, moins étonnante de la part du gouvernement. Jusqu'au moment où j'ai mené mes recherches, la position officielle visait à montrer les procès de « Justice et Paix » comme la fin du phénomène paramilitaire. En même temps, le gouvernement Uribe (2002-2006 ; 2006-2010), a nié l'existence d'un conflit armé, qui a été présenté comme une lutte contre le « narco-terrorisme » où le DIH n'est qu'un caillou dans la chaussure, voire est instrumentalisé en étant subordonné ou mis au service de la sécurité nationale77. De son côté, le gouvernement actuel (de Juan Manuel Santos, ancien Ministre de la Défense du gouvernement Uribe et élu en août 2010), a récemment reconnu d'une manière explicite l'existence d'un conflit armé en Colombie, mais persiste à présenter le démantèlement des paramilitaires comme un fait accompli. Le gouvernement est aussi derrière une initiative législative, d'abord inscrite dans le programme d'une réforme intégrale de la justice, par la suite mise à part dans un projet de réforme constitutionnelle indépendant, où il s'agit d'établir l'élargissement de la compétence des tribunaux militaires (dont l'impartialité et l'efficacité ont été fortement contestées y compris par la Cour Interaméricaine des Droits de l'Homme), pour enquêter et juger tous les crimes commis par les forces armées « à l'occasion du service »78.
Il serait aussi intéressant d'essayer de comprendre la place secondaire que le DIH occupe dans l'agenda tantôt du gouvernement, tantôt du militantisme des droits humains79, comme le montre bien S. Daviaud dans son étude sur les ONG de défense des droits humains en Colombie80. Or, j'insiste sur le fait qu'il est fortement regrettable que l'expérience de ceux qui ont vécu la lutte armée ne soit pas employée afin d'assurer ce qu'on appelle, dans l'univers humanitaire, une « humanisation de la guerre » ; une humanisation qui ne ferait qu'apporter un élément de légitimation à l'action de l'État. Encore une fois, l'ambivalence à l'heure de qualifier le conflit armé, joue contre l'efficacité des instruments juridiques. En tout cas, nous pouvons constater que la question humanitaire a longtemps été réduite à l'accord humanitaire, lequel -à son tour- ne concernait que l'échange de prisonniers. Une question similaire peut être posée à propos de la Résolution 1325 de 2000 du Conseil de Sécurité des Nations Unies qui résume un mandat du « gender mainstreaming » dans le champ des affaires de la paix et de la sécurité81 et dont la mise en œuvre ne peut pas devenir qu'une politique cosmétique où on fait figurer les femmes sans leur reconnaître un rôle d'importance.
Les dialogues de paix qui commencent actuellement entre les FARC et le gouvernement Santos sont appelés à être le laboratoire de la mise en œuvre de ces mesures. Or, il y a lieu de s'inquiéter quand on observe l'absence totale de femmes dans l'équipe du gouvernement. Fait remarquable, la guérillera Sandra, plus connue comme la veuve du chef des FARC, Manuel Marulanda, intègre l'équipe côté guérilla. Au-delà du fait historique que cette désignation représente, et de l'interprétation dont elle peut faire l'objet, les propos ouvertement sexistes de la presse à propos de sa participation, anticipent les difficultés de sa position et de la place octroyée aux femmes en tant qu'actrices touchant aux questions de paix et de guerre82. Espérons que le déroulement des dialogues qui démarrent, ainsi que les définitions concernant les femmes en armes ne confirment pas nos réserves.
En tout cas, la place marginale de la question des femmes combattantes invite aussi à s'interroger sur les facteurs qui peuvent expliquer cette invisibilité. Soit on est en train de répéter les erreurs d'exclusion et de discrimination des processus politiques passés, soit les femmes démobilisées optent pour cet effacement. De toutes façons, à la lecture des matériaux et articles récemment publiés dans la presse, on a largement l'impression qu'on méprise ouvertement leur vécu (l'ex-compagne de Marulanda, par exemple, est systématiquement réduite à son rôle d'épouse). Ces traitements servent très peu à la compréhension du conflit armé colombien et, surtout, encore moins à repenser les cercles de la violence politique et sociale, qui mériteraient d'être envisagés aussi à partir de l'expérience de ces femmes en armes.
Par ailleurs, si un lien entre l'expérience comme combattante et le pacifisme peut être vécu et légitimé comme quelque chose « Allant de soi », la manière dont cet intérêt pour la paix peut se matérialiser paraît plus difficile à expliquer à partir de ce qui apparaît comme « naturel » aux femmes. Pour cela, j'estime que des recherches sur le rôle des femmes ex-combattantes et combattantes actives dans la construction de la paix mais aussi dans l'humanisation de la guerre s'ajoutent à la liste des recherches à faire sur le cas colombien.
Footnotes
1En général, le profil d'ancienne combattante, devenue militante féministe, ne concerne que des guérilleras. Mon analyse est donc forcément partielle car elle n'inclut pas les femmes qui appartiennent aux Forces Armées Nationales, ni les femmes paramilitaires. Les entretiens qui servent de source à la présente analyse sont notamment trois, tous sémi-directifs, réalisés entre 2008 et 2010 à Bogotá.Bibliographie
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