DOI: http://dx.doi.org/10.18601/01229893.n34.06

La constitutionnalisation de la justice transitionnelle*

The Constitutionalization of Transitional justice

Luis Miguel Gutiérrez Ramírez**

*Conferencia presentada en el IX Congreso francés de derecho constitucional: panel F: Las transiciones constitucionales, Lyon (Francia), 26, 27 et 28 de junio de 2014.
** Profesor asistente de Derecho Público (ATER) y candidato a doctor en Derecho (PHD) de la Universidad Toulouse 1 Capitole (Francia). Máster en Derecho Público y director del equipo que representa a la Université Toulouse 1 Capitole en el Concurso Interamericano de Derechos Humanos organizado por la American University, Washington College of Law. Abogado de la Universidad Católica de Colombia. Contacto: lmg.tls@gmail.com

Para citar el artículo: L. M. Gutiérrez Ramírez. La constitution nalisation de la justice transitionnelle. Revista Derecho del Estado n.º 34, Universidad Externado de Colombia, enero-junio de 2015, pp. 103-125. DOI: 10.18601/01229893.n34.06
Recibido el 3 de diciembre de 2014, aprobado el 20 de febrero de 2015.


Sommaire

I. La constitutionnalisation organique de la justice transitionnelle. A. Les organes constitutionnels de justice transitionnelle à caractère transitoire. B. Les organes constitutionnels de justice transitionnelle à caractère permanent.
II. La constitutionnalisation matérielle de la justice transitionnelle. A. La garantie des droits fondamentaux dans les contextes de justice transitionnelle. B. La limitation des droits fondamen taux dans les contextes de justice transitionnelle. Conclusion.


Résumé

La présente contribution se propose d'analyser les rapports qu'entretiennent la justice transitionnelle et les transitions constitutionnelles. Le processus d'écriture d'un nouveau texte constitutionnel ou son amendement est tout au centre des processus de transition démocratique. La Constitution détermineraen effet le cadre normatif dans le quel les politiques transitionnelles seront confrontées, en assurant leur légitimité ainsi qu'une certaine cohérencedans une démarche holistique ou globale. Même si les logiques de ces deux processus semblent assez éloignées par le fait que la justice transitionnelle est par essence provisoire, temporaire, définie dans le temps, tandis que la Constitution au contraire a un caractère pérenne et intemporel, un commun dénominateur s'impose pour les relier : celui de la (re)construction d'un nouvel État de droit.

Mots Clés: Justice transitionnelle, transition constitutionnelle, constitution, conflit, paix.


Abstract

In this article we will analyze the relationship between transitional justice and constitutional transitions. The writing process of a new constitution, or its amendment, is at the center of any democratic transition process. The Constitution, indeed, will determine the normative framework where transitional policies will be confronted, and, therefore, ensuring their legitimacy as well as consistency through a holistic and comprehensive approach. Whereas the logic of these two processes seems distant, as transitional justice is substantially provisional and limited in time while the Constitution instead is permanent and timeless, a common denominator prevails: the (re)construction of a new Rule of Law.

Keywords: Transitional justice, constitutional transition, constitution, conflict, peace.


La transition constitutionnelle et la justice transitionnelle sont deux processus indépendants et distincts qui peuvent néanmoins avoir lieu de manière simultanée dans certains contextes particuliers. Au premier abord ces deux phénomènes partagent un trait commun du fait qu'ils s'identifient avec lanotion de transition. Celle-ci indique, dans sa signification littérale, le passage d'une situation à une autre; elle incarne une idée de mouvement, dechangement, de mutation. Cette ressemblance peut cependant être trompeusecar la corrélation entre ces deux types de transition n'est pas si évidente qu'elle ne le paraît. En ce qui concerne la transition constitutionnelle, il s'agit fondamentalement de la substitution d'une Constitution existante par une autre (transition vers une nouvelle Constitution). De son côté, la justice transitionnelle est une notion de justice réservée à des périodes de transition, soit lors d'un processus de démocratisation à la suite d'un régime autoritaire(transition vers la démocratie), soit lors d'un processus de pacification àla fin d'un conflit armé (transition vers la paix). Leurs points de départ et d'arrivée étant différents, ces processus répondent à des dynamiques propreset ne doivent pas être toujours assimilés.

En pratique, il faut noter qu'il n'existe pas nécessairement une relation dedépendance, un lien de causalité, entre un processus de transition constitutionnelle et un processus de justice transitionnelle. De ce fait, il est tout à faitpossible de trouver ce premier phénomène dans des sociétés qui n'ont rienà voir avec une situation de post conflit ou de sortie de dictature. Pour une transition constitutionnelle, ce qui importe, c'est le processus de changementet d'écriture d'un nouveau texte constitutionnel, et non pas forcement lecontexte dans lequel ce passage a lieu. Au contraire, la justice transitionnelle est dépendante du contexte dont elle émerge. En effet le type de transition dontil s'agit (exogène ou endogène), l'environnement sociopolitique où celle-cise déroule (violente ou pacifique), les degrés de participation (inclusive ourestreinte) et les rapports de force entre les acteurs de la transition (continuitéou rupture) sont des éléments clefs qu'il faut prendre en considération. Leurs différentes combinaisons peuvent ainsi expliquer la diversité de choix opérésdans chaque expérience de justice transitionnelle.

Une de ces possibilités est l'incorporation d'un changement constitutionnel dans le processus de transition démocratique: le processus constitutionnel peut ainsi être un instrument pour la transition démocratique1. À ce propos, le professeur Giuseppe de VERGOTTINI clarifie qu'« il peut y avoir des transitions qui reposent sur une révision constitutionnelle, ou qui ne nécessitent pas de modifications formelles du texte constitutionnel. La transition, dansce sens, relève plus du régime politique que de l'apparence formelle de son changement, même si, à une époque plus récente, les changements sont généralement accompagnés de modifications ou d'innovations apportées aux textes formels des constitutions »2.

De ce fait, la doctrine constitutionnaliste s'est davantage intéressée auxrapports qu'entretiennent les transitions constitutionnelles et les transitions démocratiques3. Certains auteurs ont même entrepris une modélisation théorique de leurs liens dans un droit constitutionnel spécifique de la transition démocratique, droit constitutionnel transitionnel ou encore droit public de la reconstruction de l'État4. Notre analyse s'inscrit dans cette démarche théorique mais cherche modestement à élargir le débat sur la manière dont la justice transitionnelle est appréhendée directement par le processus de transition constitutionnelle et non pas seulement par le biais d'un processusde transition démocratique en tant que tel. C'est pour cette raison que notre contribution portera sur la constitutionnalisation de la justice transitionnelle.

Dans notre présentation, la notion de constitutionnalisation doit être entendue de manière étroite car celle-ci veut désigner le processus par le quelle pouvoir constituant incorpore la justice transitionnelle au sein d'un texteayant valeur constitutionnelle. La tâche n'est pas aisée du fait qu'il y auraitseulement, à notre connaissance, trois Constitutions contenant expressément le terme justice transitionnelle5. Cela ne veut pas dire néanmoins que cette notion est hors de portée du texte constitutionnel. Au contraire, il est possible de constater l'existence de certaines institutions « étrangères » au droit constitutionnel « classique » qui sont insérées dans les textes constitutionnels lors de périodes de transition et qui, en réalité, sont des organes constitutifs de la justice transitionnelle. (I) D'autre part, bien que plusieurs aspects contenus dans des constitutions issues des processus de transition puissent représenterune conquête à la suite des périodes troubles qui le précédent, notamment la garantie des droits fondamentaux, un constat se révèle paradoxale : ces droits sont objet de fortes limitations en raison de la constitution nalisation matérielle de la justice transitionnelle (II).

I. La constitutionnalisation organique de la justice transitionnelle

Toute Constitution détermine l'organisation et le fonctionnement des institutions politiques d'un État et représente un encadrement juridique de leurs pouvoirs. D'après le professeur EL HADJ MBODJ, « la constitution, héritière des grandes constructions théoriques du siècle des Lumières, est la traduction institutionnelle du « pacte social » par lequel les individus abandonnent l'étatde nature pour fonder la société politique »6. Sans aucun doute, les Constitutions issues des processus de transition démocratique reflètent « un nouveaupacte social » par lequel les sociétés abandonnent un État autoritaire ou uncontexte belliqueux. Ce pacte est fondé sur des accords politiques difficilement négociés par des acteurs autrefois considérés comme des ennemis. Celui-ciprétend surmonter les causes structurelles étant à l'origine de la violence et, au même temps, faire face aux conséquences néfastes qui en ont découlé. En se concentrant sur ce dernier aspect, la justice transitionnelle peut contribuer de manière significative au premier.

Pour ce faire, divers mécanismes de justice transitionnelle ont été misen place ces derniers temps par diverses sociétés dans différentes parties dumonde : commissions vérité (et réconciliation), commissions d'enquête ou d'établissement des faits, commissions nationales des droits de l'Homme, commissions pour la réparation des victimes, musées et mémoriaux, programmes administratifs de réparation, réforme des institutions étatiques, institutions d'appui à la démocratie, assainissement de la fonction publique, procès pénaux internes, internationalisés (hybrides ou mixtes) ou totalement internationaux (tribunaux ad hoc, CPI).

Certes la plupart de ces mécanismes ont été instaurés au niveau national par des lois promulguées par les Parlements des nouvelles démocraties oupar voie de décrets provenant du pouvoir exécutif. On ajoutera ceux quisont issus d'une volonté internationale généralement exprimée au sein des Nations Unies. Il est néanmoins possible, bien que rare, de trouver certains organes de justice transitionnelle dans le corps même de la Constitution. Une différentiation peut être faite sur la base de leur vocation à demeurer dansle temps: plusieurs ont un caractère temporel, provisoire ou transitoire (A), alors que d'autres ont un caractère permanent (B).

A. Les organes constitutionnels de justice transitionnelle à caractère transitoire

La justice transitionnelle est principalement axée sur le traitement d'un passé de violence et de répression, le plus souvent caractérisé par des violations massives et systématiques des droits de l'Homme. Selon la définition retenuepar les Nations Unies, la justice de transition « englobe l'éventail complet dedivers processus et mécanismes mis en œuvre par une société pour tenter defaire face à des exactions massives commises dans le passé, en vue d'établirles responsabilités, de rendre la justice et de permettre la réconciliation »7.

Les Commissions vérité et réconciliation (CVR) sont sans doute parmi les mécanismes les plus représentatifs de la justice transitionnelle.

Celles-ci sont « des organismes d'enquête officiellement approuvés, àcaractère temporaire et non judiciaire » qui « se voient attribuer un laps detemps relativement court pour recueillir des dépositions, mener des enquêtes, faire des recherches et tenir des audiences publiques, avant de terminer leurtâche par la publication d'un rapport final »8. D'après Priscilla HAYNER, une CVR aurait au moins cinq objectifs: clarifier et reconnaitre un passé contestéou renié en faisant la lumière sur les crimes commis par les régimes précédents; répondre aux besoins des victimes ; contribuer à ce que la justice soit rendue ; désigner la responsabilité institutionnelle afin de formuler des recommandations pour entreprendre des réformes; encourager la réconciliation9. Dans cette section, nous voudrions nous concentrer exclusivement surla constitutionnalisation de cet organe de justice transitionnelle.

De 1974 à 2010, 40 CVR ont été établies dans le monde10. Nous pouvons en ajouter environ 12 nouvelles Commissions qui ont vu le jour dès 2011ou qui sont en train de se mettre en place11, ce qui montre l'actualité de ce mécanisme. En général, les CVR apparaissent à la suite d'une décision prise unilatéralement par le pouvoir exécutif par voie de décrets (Chili, Argentine, Haïti, Sri Lanka, Tchad, Uganda)12. A défaut d'un consensus sur la manière d'aborder le passé ou face à des blocages parlementaires, l'exécutif est enmesure d'instaurer rapidement une telle commission sans attendre un accord. Cela peut néanmoins nuire à la mise en place et au travail de la CVR car celleci devra désamorcer une forte opposition provenant de certains secteurs de la société, notamment ceux liés à l'ancien régime.

D'autre part, lors qu'il s'agit de conflits armés, les CVR peuvent êtres accordées comme une mesure pour la finalisation des combats dans le cadredes négociations de paix (El Salvador, Guatemala, Sierra Leone, Liberia, République Démocratique du Congo et Kenya)13. Cette démarche a été soutenue par les Nations Unies dans les années 90 en Amérique centrale et s'est postérieurement étendue à des interventions onusiennes en Afrique. L'importance de cette pratique réside dans l'opportunité pour les victimes de savoir ce qui s'est passé et, au moins en théorie, de compter avec la participation des victimaires (auteurs des exactions) pour écouter leurs explications. Bien que le compromis des parties belligérantes soit fondamental pour la réussite d'une CVR, le processus de sa négociation reste inaccessible aux victimes, et de manière plus large à l'ensemble de la population, qui enréalité ne participent pas aux pourparlers.

Dans ces dernières années, nous pouvons constater un phénomène trèsintéressant qui n'a pas été assez souligné par la doctrine: certaines CVR ont été incorporées directement dans la Constitution lors d'une période de transition. De ce fait, le processus de transition constitutionnelle et celui de justice transitionnelle se rejoignent, bien que, il faut le dire, cette corrélation ne soiten réalité que très exceptionnelle. En effet, nous pouvons relever seulement quatre cas où ce phénomène a eu lieu dont un s'est opéré de manière indirecte.

-En Burundi, la Constitution de transition du 28 octobre 2001 incorpore une Commission nationale pour la vérité et la réconciliation. Dans cinq articles (229 au 233), le constituant fixe de manière succincte ses missions, la duréede ses fonctions, le statut et la procédure de nomination de ses membres etrenvoie enfin au parlement la tâche de déterminer le fonctionnement de la Commission dans une loi organique14.

-En République Démocratique du Congo (RDC), la Constitution de la transition du 4 avril 2003 énonce dans son article 154 la Commission vérité et réconciliation parmi les instituions d'appui à la démocratie. L'article 160 renvoie l'organisation, les attributions et le fonctionnement de ces institutions à des lois organiques15. Puis, la Constitution du 28 février 2006 met fin aux institutions d'appui à la démocratie (art. 222).

-En Colombie, la Constitution de 1991 fut amendée en 2012 en ajoutant l'article 66 transitoire. Cet article incorpore au texte constitutionnel la notion de justice transitionnelle pour encadrer la finalisation du conflit armé interne. Également l'article ordonne la promulgation d'une loi chargée d'établir une Commission de la vérité.

-En Tunisie, la Constitution de janvier 2014, établit dans l'article 148.9que « l'État s'engage à appliquer le système de justice transitionnelle dans l'ensemble de ses domaines et dans la période fixée par la législation quiy est relative »16. Une « loi organique relative à l'instauration de la justice transitionnelle et à son organisation » a été promulguée en décembre 2013, c'est-à-dire avant l'adoption de la Constitution. Cette loi établie l'Instance de la vérité et de la dignité. De ce fait, on peut affirmer que cette Instance aété constitutionnalisée de manière indirecte.

À ce stade, on peut questionner les raisons qui ont motivé cette incorporation dans ces Constitutions que l'on vient d'évoquer et, de manière plus large, l'intérêt de constitutionnaliser une CVR. Il s'avère néanmoins très difficile d' y répondre de manière définitive. Dans les cas du Burundi et de la RDC, on peut affirmer que cette constitutionnalisation est due à des compromisétablis dans les négociations de paix qui précédent leurs Constitutions. En effet, l'Accord d'Arusha de 2000 prévoit dans le Protocole I (art. 8) et le Protocole V (art. 5 par 4) la Commission nationale pour la vérité et la réconciliation au Burundi. Tout comme la Commission vérité et réconciliation a été négociée dans l'Accord global et inclusif du 17 décembre 2002 en RDC (point V). Partant de ce fait, la constitutionnalisation des CVR serait simplement une traduction constitutionnelle des accords de paix à la suite d'unconflit armé. Cependant, le cas colombien vient démentir cette affirmation car ladite constitutionnalisation est antérieure à l'existence d'un accord de paix, dans l'espèce, avec la guérilla des FARC. Cet accord est d'ailleurs encore loin d'avoir lieu; il s'agit ainsi d'un cas sui generis car c'est une justice transitionnelle sans transition17. Le dispositif étant constitutionnalisé, on nesait pas s'il sera accepté par les belligérants.

D'autre part, nous pouvons avancer la thèse, moins fortuite en apparence,selon laquelle la constitutionnalisation des CVR serait un gage de leur succès.On pourrait penser en effet qu'en se situant au sommet de la hiérarchie normative, ces organes constitutionnels seront plus effectifs. Il semble néanmoinsque les objets de notre analyse ne vont pas dans ce sens. La Commission de la vérité colombienne et l'Instance de la vérité et de la dignité tunisienneviennent d'être adoptées et n'existent que sur le papier. Nous ne disposonscependant pas du recul nécessaire pour en tirer des conclusions. Quant aux CVR au Burundi et en RDC, on peut affirmer de manière catégorique qu'ellessont des tentatives ratées, des expériences mal menées qui n'ont pas abouti àdes résultats concrets. D'une part, au Burundi, 12 ans après sa consécrationconstitutionnelle et plus de 9 ans après son adoption législative, la CVR n'a pas encore vu le jour. Ce retard est du principalement à l'absence de volontépolitique des gouvernements NDAYIZEYE (2003-2005) et NKURUNZIZA (2005 à nos jours) pour sa mise en place18. D'autre part, la CVR en RDC a été effectivement installée et a travaillé de 2004 à 2006. Selon l'analyse de Martien SCHOTSMANS, on peut conclure que celle-ci « ne s'est occupé que d'ateliersde formation de leurs membres, de missions de pacification dans différentesprovinces, d'activités de médiation entre les groupes ethniques dans l'Est dupays, de l'organisation de Barzas communautaires aux Kivus et de la recherche de financements ». Elle « n'a même pas entamé son travail de recherchede la vérité »19. Force est de constater que le succès d'une CVR ne dépendpas nécessairement de sa constitutionnalisation. Celui-ci est subordonné àplusieurs facteurs étrangers à la norme suprême, très particulièrement liés àla volonté politique et à la bonne foi des acteurs de la justice de transition.

Enfin, il est intéressant de souligner l'aspect temporel propre aux CVR et leurs rapports avec la Constitution. Nous avons vu plus haut que les CVR, et engénéral les mécanismes de justice transitionnelle, sont destinés à exister pendant un laps de temps donné. Ces mécanismes seraient par nature temporaires, provisoires ou transitoires. Au contraire, on peut penser que les Constitutionssont faites de manière intemporelle, pour demeurer dans le temps, presqueen forme pérenne. Ces deux images sont doublement trompeuses: il existedes constitutions provisoires, transitoires ou intérimaires20; il y a aussi des organes de justice transitionnelle à caractère permanent.

B. Les organes constitutionnels de justice transitionnelleà caractère permanent

Le lien entre le temps et les organes de justice transitionnelle peut prêter àconfusion. On peut affirmer sans hésiter que ces organes sont établis pourune durée déterminée, normalement associée à la durée de la transition démocratique dont ils émergent. Néanmoins il n' y a pas une coïncidence totaleentre ces deux temporalités. En pratique, la durée des organes de justice transitionnelle peut être déterminée en raison de la tâche qu'ils doivent assurer.Il s'ensuit que celle-ci une fois remplie ou la date d'échéance arrivée à sonterme, ces organes doivent disparaitre. Par exemple, une Commission de lavérité devrait se dissoudre dès lors quelle a (r)établit la vérité, notammentà travers la publication d'un rapport final. D'autre part, une Commissionchargée de gérer les réparations des victimes n'aurait point raison d'être une fois ces réparations octroyées. Enfin, un Tribunal pénal ad hoc devant jugercertaines personnes accusées de crimes graves, en général des crimes dedroit international, devrait s'effacer après avoir finit l'ensemble des procès. En somme, le caractère temporel des organes de justice transitionnelle estdélimité par leurs ordres de missions.

Il faut néanmoins préciser que le point d'ancrage de la justice transitionnelle n'est pas seulement le passé. En voulant le surmonter sans l'oublier, ses objectifs se projettent aussi vers l'avenir. C'est le cas de la réconciliation, retenue comme un objectif de la justice de transition dans la définition des Nations Unies évoquée précédemment. En pratique, les organes de justicetransitionnelle ont pour objectif de réconcilier une société déchirée par la violence ; en donnant un espoir aux victimes de dépasser les outrages endurés ; en rendant une nouvelle opportunité aux victimaires après avoir répondude leurs crimes. Il s'agit d'un objectif dont sa réalisation serait difficile àmesurer, en tout cas, de manière définitive. De surcroît, les dispositifs dejustice transitionnelle ont vocation à résoudre les causes structurelles étantà l'origine d'un conflit armé ou d'un régime autoritaire. Ce faisant, ceux-cicherchent à prévenir la récidive des violations graves des droits de l'Hommecommises dans le passé. Il s'agit encore une fois d'une mission qui ne peutpas s'épuiser dans le cadre de la transition démocratique.

D'un point de vue organique, on peut constater que « les transitions derégimes sont des moments de désinstitutionalisation : les institutions du régime précédent sont remises en cause ; souvent on en adopte des nouvellespour gérer la période de transition, et c'est le moment où se font les choix durégime et des institutions futures »21. Autrement dit, « les régimes issus destransitions présentent souvent des innovations institutionnelles permettantd'une part de nouvelles formes d'association de la société civile au jeu politique, d'autre part de conserver aux partis politiques n'étant pas au pouvoir unrôle gestionnaire du politique»22. De ce fait, dans les processus de transitionconstitutionnelle on peut relever la mise en place non seulement des institutions « classiques » de l'État de droit mais aussi de certains organes dont lesfonctions sont étroitement liées avec les objectifs de la justice transitionnelle. En conséquence, deux situations peuvent être formulées.

La première, le traitement du passé n'échappe pas aux organes propresà tout système démocratique, notamment aux trois pouvoirs classiques de l'État. Par exemple, le pouvoir judiciaire qui doit assurer, parmi ses multiples fonctions, la légalité des processus de justice transitionnelle dans desdifférents domaines du droit. C'est le cas des juges pénaux qui doivent juger les personnes accusées des infractions au droit pénal national en respectantle droit à un procès équitable. Leurs décisions font partie de l'axe justice, nécessaire à tout processus de transition. C'est aussi le cas de la justice constitutionnelle qui doit garantir le respect des droits fondamentaux et desprescriptions de la Constitution aussi et surtout dans le cadre de la justice detransition. De ce fait, le juge constitutionnel joue un rôle fondamental du fait qu'il lui donne une réalité normative et un contenu juridique23. Le professeur FABRICE HOURQUEBIE a saisi cette corrélation en affirmant que, « loin d'être une justice « hors de la constitution », comme à première vue son caractère dérogatoire le laisserait supposer, la justice transitionnelle est bien une justice « dans la constitution », en raison de la multiplicité de ses points deconnexion avec le pouvoir juridictionnel national »24. On irait néanmoins très loin si l'on affirmait que le pouvoir judiciaire est constitué comme un organe de justice transitionnelle à caractère permanent. En pratique, celui-ciparticipe aux objectifs de justice transitionnelle lors qu'il doit connaitre desprocès concernant les exactions du passé.

La seconde situation, le traitement du passé a aussi une forte influence dans la nouvelle structure de l'État de droit. Les Constitutions adoptées lors decontextes de transition démocratique ont la tendance à constitutionnaliser des organes indépendants et impartiaux non rattachés à l'un des trois pouvoirs de l'État25. Ces organes vont jouer un rôle fondamental de contrôle des autorités publiques en vue d'améliorer le fonctionnement de l'État, de renforcer la démocratie et de prévenir en amont des violations des droits fondamentaux. Ils sont nombreux et très divers dans leur composition et dans leurs mandats. Par exemple, plusieurs Constitutions ont instaurés des autorités de lacommunication et de l'audiovisuel chargées de veiller au respect de la liberté d'expression et à assurer le droit d'accès à l'information26.

Également certains pays ont créé des Commissions électorales indépendantes dont la mission est de garantir le bon déroulement des processus électoraux. D'après NADA YOUSSEF, « elles avaient été instituées par beaucoup d'Étatsen transition afin de soustraire les élections à la suspicion d'illégitimité quipesait sur les scrutins organisés de façon unilatérale par l'appareil administratif de l'État »27. De ce fait, ces Commissions remplissent deux missions« la première est la légitimation du processus électoral, seule voie reconnue d'accès au pouvoir dans un régime démocratique; la seconde est le corollairede la première; elle consiste à assurer les conditions morales et matériellesde cette légitimation, notamment en assurant de manière efficace la gestion pratique du processus électoral »28. En outre, il est courant de trouver des organes chargés de l'amélioration des relations entre les citoyens et les pouvoirs publiques en vue de protéger et de promouvoir les droits fondamentaux29.

Toutes ces autorités constitutionnelles indépendantes vont jouer un rôle fondamental dans la mise en place du nouvel État de droit et dans sa consolidation, leur objectif principal étant de faire respecter le pacte constitutionnelet de prévenir que les violations aux droits de l'Homme commises dans lepassé ne se reproduisent plus dans l'avenir. Il faut noter que ces organes neregardent pas seulement le futur. Leur travail est étroitement lié avec les conséquences néfastes du passé et dès lors avec la justice de transition. Dansle cas du Royaume du Maroc, par exemple, le Conseil national des droits de l'Homme « constitue en effet le premier jalon du processus de justice transitionnelle30. Au Burundi, le Conseil national pour l'unité nationale et la réconciliation31 est chargé de traiter toutes les questions essentielles relatives à l'unité, à la paix et à la réconciliation nationale. Dans ce même pays, l'observatoire national pour la prévention et l'éradication du génocide, descrimes de guerre et des autres crimes contre l'humanité32 doit suggérer desmesures pour lutter efficacement contre l'impunité ainsi que proposer des politiques et des mesures pour réhabiliter les victimes de ces crimes.

Dans l'ensemble, l'existence des autorités constitutionnelles indépendantes peut être expliquée par le besoin de conjurer le passé avec des institutions chargées d'éviter sa répétition. Étant insérés dans la Constitution, ces organesont un rang normatif supérieur qui les permet d'exercer leurs missions et d'accomplir leurs objectifs avec une légitimité renforcée. Ils jouent un rôle fondamental dans la reconstruction de l'État de droit dans la mesure qu'ils permettent de reconquérir la confiance des citoyens dans les institutions étatiques. Il faut noter que celle-ci a été perdue le plus souvent par des années d'autoritarisme et de guerre dans lesquelles l'État non seulement n'a pasété capable de garantir le respect des droits fondamentaux mais aussi a été à l'origine des exactions commises à l'encontre des victimes. La justice transitionnelle trouve dans le texte constitutionnel tout un éventail d'institutions à caractère transitoire ou permanent qui vont assurer, chacune à leur tour, les politiques orientées à faire face au passé. Il est possible de constater que ces politiques peuvent être, elles aussi, constitutionnalisées dans des contextes de justice transitionnelle.

II. La constitutionnalisation matérielle de la justice transitionnelle

La Constitution reflète en tant que base juridique d'un projet politique et social, les aspirations profondes des peuples. De ce fait, le texte constitutionnelrend compte du contexte particulier dont il émerge, d'une histoire spécifiqueà chaque pays qui peut être découverte en filigrane dans les dispositions etles choix constitutionnels.

Les sociétés sortant d'un conflit armé et celles engagées dans un processus de transition à la suite d'un régime autoritaire ont besoin de démocratie et du respect des droits fondamentaux; elles cherchent à conjurer un passé douloureux en encadrant cet espoir dans la Constitution. Le professeur XAVIER PHILIPPE remarque à juste titre que « la transition démocratique utilise la règlede droit comme véhicule et scelle ainsi le lien entre transition politique et transition juridique »33. Autrement dit, « les États en situation de sortie de crisefont systématiquement appel au droit constitutionnel ou à des règles constitutionnelles pour régler leurs différends et rebâtir les structures de l'État »34. De ce fait, le processus de transition constitutionnelle sera fortement influencé par la constitutionnalisation des droits fondamentaux, des modes d'accès et de dévolution du pouvoir et des règles de fonctionnement de la démocratie. Cette constitutionnalisation représente une conquête symbolique à l'encontrede l'ancien régime, elle cherche à marquer une rupture effective ouvrant unenouvelle période dans l'histoire du pays (A). Un constat se révèle néanmoinsparadoxale: ces droits fondamentaux sont objets de fortes limitations dansla mise en place de la justice transitionnelle (B).

A. La garantie des droits fondamentaux dans les contextes de justice transitionnelle

Les constitutions issues des contextes de transition d'un régime autoritairevers la démocratie et celles adoptées à la fin d'un conflit armé interne se caractérisent bien souvent par un catalogue généreux de droits fondamentaux. Le professeur XAVIER PHILIPPE a souligné que, « paradoxalement, et alors que les parties ont souvent allègrement violé et méconnu ces droits et principes, elles s'accordent pour en reconnaître la nécessité et le caractère central ausein du processus »35. En effet, « la reconnaissance des droits fondamentaux dans le processus de transition démocratique est un des éléments clef duprocessus. Il place l'individu au centre du débat politique et de l'État de droitalors qu'il en été exclu auparavant »36.

De ce fait, il est possible de constater un intérêt accru visant à protégerdes secteurs de la population qui ont été victimes d'exactions par le passé. Lorsqu'il s'agit de conflits armés ayant un caractère ethnique ou religieux, par exemple, la garantie des droits des minorités s'avère indispensable. Lareconstruction d'un vivre ensemble passe nécessairement par la reconnaissance et le respect de la différence. Cet aspect est renforcé lors qu'il est garantipar la Constitution. De même, la constitutionnalisation des droits politiques ouvrant au pluralisme politique, au multipartisme et la possibilité d'exercerune opposition démocratique sont nécessaires pour surmonter les conflits ayant comme origine l'accès au pouvoir étatique ou les difficultés liées àson fonctionnement. Pour ces motifs, « le constitutionnalisme a constituéun progrès pour les sociétés en transition parce qu'il permettait aux partiesà la négociation ce passage de la volonté de paix sociale à un ensemble derègles et d'institutions permettant de la garantir dans un langage qu'ellescomprenaient »37.

En pratique, la constitutionnalisation des droits fondamentaux en contextesde transition démocratique représente une rupture avec l'ancien régime, ellesymbolise la volonté des constituants de résoudre les causes structurelles de la violence pour que de telles situations ne viennent jamais à se reproduire.Bien que cette volonté soit louable, la question de la protection de ces droitsfondamentaux ne s'inscrit pas seulement dans l'avenir. Elle touche de manière fondamentale le lourd héritage du passé qui ne peut pas être simplement effacé dans le processus de (re)construction d'une nouvelle société. Ilfaut noter que les contextes de transition démocratique sont le plus souventcaractérisés par des graves violations des droits de l'Homme commises parle passé. Il est tout à fait normal que les victimes de guerre ou des régimesautoritaires voient dans le nouvel État de droit une opportunité de dénoncerles crimes commis à leur encontre en espérant que la justice soit rendue etqu'une réparation soit octroyée. Une reconstruction de l'État de droit ne peutpas ignorer les victimes de l'ancien régime. Une réponse satisfaisante doitêtre fournie à leurs demandes.

La justice transitionnelle prétend en effet y répondre par le biais d'unensemble de mesures axées sur des différents aspects. A la lumière desdéveloppements récents effectués dans le domaine, cette justice s'articule davantage autour de la garantie de certains droits reconnus nationalement etinternationalement aux victimes, à savoir la justice, la vérité et la réparation. En premier lieu, le droit à réparation désigne tout type de dédommagement, ennature ou en espèce, en faveur des personnes qui ont été victimes des violationsdes droits de l'Homme. En deuxième lieu, le droit à la vérité implique queces victimes et leurs familles sachent les circonstances de forme, de tempset de lieu qui ont causé la violation ainsi que les causes qui ont engendré saréalisation. En troisième lieu, le droit à la justice est la garantie pour toutepersonne d'accéder au juge dans le cadre d'un recours juridictionnel adéquatet effectif pour que la violation soit investiguée, jugée et sanctionnée.

Lors des transitions constitutionnelles, il n'est pas courant de trouver uneconsécration constitutionnelle des droits à la réparation et à la vérité tandisque le droit à la justice est présent dans la plupart des chartes constitutionnelles. En pratique, la réalisation de ces droits résulte d'un procès judiciairepréalablement établi dans lequel le juge devra enquêter sur ce qui s'est passépour ensuite déclarer si cela constitue une violation au droit interne. Dans lecas d'une telle violation, le juge devra condamner le coupable à une sanction proportionnelle à la violation commisse ainsi que prendre des mesures dedédommagement en faveur des victimes. En somme, « le droit au recoursconstitue pour les victimes la porte d'entrée de la concrétisation de leursdroits fondamentaux »38.

D'autre part, il faut noter également que le droit au recours doit aussirespecter tout un ensemble de garanties en faveur des personnes accuséesd'avoir commis des crimes par le passé, notamment les règles de procédure, la légalité des preuves, le respect de l'égalité des armes, le principe ducontradictoire, le droit à la défense, le droit à un procès équitable. Il s'agitici d'un aspect fondamental pour la réussite des transitions démocratiques.Il serait absurde de reconstruire une société sur la base de procès judiciairesinjustes, plus proches de la vengeance ou des pratiques des régimes précédentsque de la logique constitutionnelle de respect du nouvel État de droit. Lesdroits fondamentaux doivent être garantis tant aux victimes qu'aux auteursdes exactions dans le cadre des recours judiciaires.

Pourtant, force est de constater que la logique selon laquelle le droit aurecours serait la pierre angulaire de la justice transitionnelle pose d'importantsproblèmes en raison du fait que les violations des droits de l'Homme commises par le passé ne constituent généralement pas une exception mais bienla norme. De ce fait, le juge ne doit pas perdre de vue la nature singulièreet les caractéristiques particulières propres à chaque cas, il ne peut oubliernon plus le contexte général dans lequel ces crimes ont été commis. Ainsi,les tribunaux sont souvent dépassés par l'ampleur des violations commisesainsi que par le nombre très significatif de victimes et de coupables. Fautede moyens, il est nécessaire de reconnaitre les limites de la justice pénaleordinaire, les tribunaux ne parviennent à traiter qu'un nombre très limité decas. L. Margarrell affirme à ce propos que « les poursuites individuellesdevant les tribunaux demeurent des solutions pour le moins incomplètesface aux immenses défis que représentent les victimes dans les contextes depost-conflits »39.

Également, le traitement judiciaire des violations commises par le passépose des problèmes au moment de négocier les termes de la finalisation d'unconflit armé interne ou de la transition pacifique d'un régime autoritaire à une démocratie. Les combattants ne peuvent pas être motivés à rendre leurs armes si à la suite des accords de paix ils sont destinés à aller en prisonpour le reste de leurs vies. De même, les dictateurs et ceux qui les suiventne penseront pas à abandonner le pouvoir s'ils risquent d'en subir le mêmesorte. La menace d'une justice à tout prix, peut signifier la perpétuation du conflit et de la violence. Néanmoins, le prix de la paix et la démocratiene peut pas être non plus celui de l'impunité et de l'oubli. Compte tenu del'influence du droit international pénal et du droit international des droitsde l'Homme, la justice transitionnelle est passée d'un modèle dans le quelles lois d'amnistie étaient privilégiées, ayant comme conséquence directe l'impunité, à un modèle dans lequel les sociétés doivent garantir les droitsdes victimes, même s'il existe de fortes limitations ou une garantie réduitede ces droits par rapport aux contextes « normaux » de justice, c'est-à-diredans des contextes différents de la justice transitionnelle.

B. La limitation des droits fondamentaux dans les contextes de justice transitionnelle

Les contextes de justice transitionnelle peuvent être qualifiés d´exceptionnelsen raison de plusieurs éléments. Il s'agit en effet d'une justice qui émerged'une crise profonde dans des sociétés ravagées par des années de violence et de répression. Le nombre de victimes et d'auteurs des exactions dépasselargement les hypothèses d'application des normes juridiques dans des contextes où le pouvoir judiciaire est censé être en mesure de rendre la justiceau cas par cas. Le caractère dévastateur que porte chacune des innombrables violations des droits de l'Homme et l'ampleur des dommages occasionnés,tant individuels que collectifs, font de la protection des droits des victimes une promesse difficile à tenir.

Sans aucun doute, le besoin de faire taire les armes et de reconstruire desliens apaisés entre les citoyens passe nécessairement par la mise en placedes accords de paix, des négociations entre des acteurs autrefois opposés, qui prétendent mettre en place un nouvel État de droit respectueux de la démocratie et des droits fondamentaux. La Constitution représente toujours l'expression normative de ce nouveau pacte social. Pourtant, et de manière paradoxale, pendant des années, les sociétés engagées dans des processus detransition ont privilégié des mécanismes permettant de passer « en douceur »de la guerre à la paix ou de la dictature à la démocratie, notamment par le biais des mesures garantissant l'impunité des victimaires dont l'amnistieest la plus représentative. En réalité, les droits des victimes n'étaient pas considérés comme des éléments importants de la négociation, leur sort était la plupart de temps relégué au dernier plan, voir même effacée des débats ouprésentée parfois comme un obstacle à la réconciliation nationale. Pendantdes années les droits des victimes ont été bafoués dans des contextes de transition démocratique.

Actuellement, en revanche, il existe un consensus sur le fait que les politiques de transition ne peuvent pas aller à l'encontre des droits des victimes. En effet, un changement de paradigme s'est opéré au niveau international avec la préoccupation de la communauté internationale de lutter contre l'impunité. Des tribunaux pénaux ad hoc, hybrides ou mixtes ainsi que la création d'une Cour pénale internationale à caractère permanente sont l'expression latente de cette préoccupation. Au niveau régional, le travail des tribunaux de protection des droits de l'Homme a contribué significativement à réviser de manière approfondie les politiques de justice transitionnelle, il faut souligner en particulière celui de la Cour interaméricaine des droits del'Homme. Des limites concernant l'interdiction d'amnistier des exactions portant sur des crimes de droit international se sont consolidées et parconséquent ces mesures ne peuvent plus être invoquées dans le cadre de lajustice transitionnelle.

Cela dit, la question de la limitation des droits des victimes dans des contextes de transition continue à être la grande problématique de la justice transitionnelle. D'après le professeur XAVIER PHILIPPE, cette justice « possède un caractère « a-normal », temporaire, impliquant des standards tant en matière de poursuites, que de réparations ou de répression qui ne peuvent pas êtreceux d'une période normale ou ordinaire »40. En effet, « sur le plan normatif, une incompatibilité peut être décelée entre la garantie constitutionnelle des droits fondamentaux et l'acceptation d'une absence de poursuites ou une sanction dévaluée contre les auteurs en échange de la vérité, notamment àtravers la rupture du principe de proportionnalité entre la gravité des faits reprochés et la peine encourue »41.

L'expérience vécue dans les différentes sociétés nous montre que les conflits normatifs propres à la justice transitionnelle sont confrontés à des normes nationales et à des standards internationaux. La doctrine est abondante sur ce sujet. Il est intéressant aussi de constater qu'il peut exister une confrontation entre les politiques de transition et les dispositions de la Constitution. Lorsque la justice transitionnelle est constitutionnalisée, on retrouve cette tension dans le texte constitutionnel. Les cas de l'Afrique du Sud et de la Colombie sont à ce sujet très intéressants.

En Afrique du Sud, l'épilogue de la Constitution intérimaire de 1993 incorpore la notion de justice transitionnelle sans pourtant la prononcer expressément. Dans ce texte, il est possible de constater l'intérêt des constituants visant à réconcilier et à reconstruire la société. La voie de l'amnistie fut empruntée pour arriver à ces fins. Le professeur XAVIER PHILIPPE a étudié de manière approfondie la transition Sud-Africaine. Selon lui, « on retrouveici [dans le préambule] la trace de la négociation politique et l'acceptation du plus petit dénominateur commun que l'on pourrait résumer par la formule suivante: une amnistie, mais pas à n'importe quelle condition »42. De ce fait, l'amnistie s'est transformée dans un droit constitutionnel; le législateur s'est vu imposer ainsi une obligation de mise en œuvre ce qui sera concrétisée dans la loi portant sur la promotion de l'unité nationale et la réconciliation en 199543. Cette loi a instauré la Commission vérité et réconciliation et a cantonné l'octroi de l'amnistie à des délits politiques en le conditionnant à une révélation complète de la vérité de la part des personnes qui prétendaient l'amnistie.

Bien que l'amnistie ait représenté une forte limitation au droit de recours des victimes, elle sera validée par la Cour constitutionnelle Sud-africaine dans le sens que celle-ci « s'estim[ait] liée par le choix des constituants, reposant sur la volonté de reconstruire la société sur un État de droit en établissant préalablement un panorama complet de la vérité »44. La Cour a estimé que« l'amnistie en matière pénale participe du phénomène de réconciliation nationale et que, même si les conséquences sont dissymétriques, elles résultent du caractère transitoire de la justice associé à l'établissement de l'État de droit »45.

En Colombie, la Constitution de 1991 fut amendée en 2012 par l'acte législatif 01 qui en ajoute deux articles transitoires. Dans ce pays, le droitau recours est également limité du fait que, en raison du contexte de justice transitionnelle, il sera opéré une sélection et une priorisation des cas portant sur des violations graves des droits de l'Homme et du droit international humanitaire. De ce fait, l'action pénale sera centrée sur les plus hauts responsables des crimes de droit international et sera abandonnée pour tous les autres responsables. La nouvelle disposition constitutionnelle reconnaît l'impossibilité de traiter judiciairement l'ensemble des exactions commisesau cours des cinquante années de conflit armé interne. À la différence de la Cour constitutionnelle sud-africaine qui a dû vérifier la constitutionnalité de la loi portant sur la promotion de l'unité nationale et la réconciliation, la Cour constitutionnelle colombienne a dû vérifier si cette réforme constitutionnelle était conforme aux autres dispositions constitutionnelles, notamment celles concernant les droits des victimes, et si celle-ci ne signifiait pas la substitution de la Constitution46. La décision C-579 de 2013 la Cour constitutionnelle a validé la conformité des mesures prises en considérant que le contexte dejustice transitionnelle et le besoin de pacifier la société peuvent justifier la limitation du droit au recours des victimes et de l'obligation étatique depoursuivre certains crimes.

La constitutionnalisation de la justice transitionnelle permet que les accordset les compromis négociés dans le cadre de la transition constitutionnelle ne soient pas remis en cause postérieurement. Cette constitutionnalisation fixe les axes fondamentaux qui vont orienter tout le processus de justice transitionnelle. Les pouvoirs publics et les autorités constitutionnelles indépendantes vont y trouver les paramètres nécessaires qui guideront leur fonctionnement. Le professeur XAVIER PHILIPPE affirme que « la constitutionnalisation du processus de justice transitionnelle induit également deseffets sur la poursuite du processus. Ce choix permettre de bloquer toute tentative de dérive du système, en assurant une certaine cohérence dans letraitement réservé aux violations passées »47. Sans aucun doute, l'intérêt de constitutionnaliser la justice transitionnelle répond au besoin de trouver unconsensus, le plus large possible, et une légitimité renforcée sur la manièrede traiter le passé. Il s'agit de donner une logique au processus de transition et de s'assurer que le pacte constitutionnel qui construit les bases de la nouvelle société sera respecté. Cette logique doit répondre au paradoxe d'établir de quelle manière garantir au mieux les droits fondamentaux dans le nouvel État de droit et en même temps de limiter leur garantie pour les exactions du passé.

Conclusion

De notre étude, nous pouvons conclure que la constitutionnalisation de la justice transitionnelle telle que nous l'avons entendu ici, à savoir, commele processus par le quel le pouvoir constituant incorpore cette justice au seinde la constitution, n'est qu'exceptionnelle. Il n'est pas évident de trouver un accord politique sur le traitement du passé dans le cadre des transitions constitutionnelles. En tout cas, il ne suffit pas non plus de se contenter avecune telle constitutionnalisation. Sa mise en place, son respect de la part desacteurs politiques de la transition, le ressenti des victimes à son regard et l'acceptation du processus par l'ensemble de la population seront les réelsdéfis des contextes de justice transitionnelle.


Notes

1 Commission de Venise, Le processus constitutionnel, instrument pour la transition démocratique, Strasbourg, 1993 ; X. PHILIPPE, « Le rôle du constitutionnalisme dans la construction des nouveaux États de droit ». In : Constitutions et finances publiques, Études en l'honneur de Loïc Philip, Paris, Economica, 2005, p. 191.
2 G. DE VERGOTTINI, « Transitions constitutionnelles et consolidation de la démocratie dans les ordonnancements d'Europe Centre-Orientale ». In : Mélanges en l'honneur de Slobodan Milacic. Démocratie et liberté : Tension, dialogue, confrontation, Bruxelles, Bruylant, 2007, p. 702.
3 C. EUZET, Eléments pour une théorie générale des transitions démocratiques de la fin du XXème siècle, Thèse en Droit, Université Toulouse 1 Capitole, 1997.
4 J. P. Massias, Droits constitutionnel des États d'Europe de l'Est, Paris, Puf, coll.« Droit fondamental », 2e éd., 2008, p. 919 ; X. Philippe, « Le rôle du constitutionnalisme dans la construction des nouveaux États de droit ». In : Constitutions et finances publiques, Études en l'honneur de Loïc Philip, Paris, Economica, 2005, pp. 187-206. C. Salcedo, La transition démocratique sud-africaine. Essai sur l'émergence d'un droit public de la reconstruction de l'État, Thèse en droit, LGDJ, Fondation Varenne, Collection des Thèses, n° 52, 2011, p. 573.
5 Il s'agit de l'article 66 transitoire de la Constitution colombienne de 1991, issu d'un amendement opéré en 2012, de l'article 148 de la Constitution tunisienne de 2014 et l'article 241 de la Constitution égyptienne de 2014.
6 E. H. Mbodj, « La constitution de transition et la résolution des conflits en Afrique. L'exemple de la République démocratique du Congo », R.D.P., tome 126, mars-avril 2010, n° 2, p. 447.
7 ONU, Secrétaire Général des Nations Unies. Rapport présenté devant le Conseil de sécurité, Rétablissement de l'État de droit et administration de la justice pendant la période de transition dans les sociétés en proie à un conflit ou sortant d'un conflit. Doc. S/2004/616, 23 août 2004, par. 8.
8 ONU, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Les instruments del'État de Droit dans les sociétés sortant d'un conflit, Les commissions de vérité, New York et Genève, 2006, p. 1.
9 P. Hayner, Verdades innombrables. El reto de las comisiones de la verdad, trad. de Jesús Cuéllar, México, Fondo de Cultura Económica, 2008, pp. 54-66.
10 Amnistía Internacional, Comisionar la justicia. Las comisiones de la verdad y la justicia penal, España, Editorial Amnistía Internacional EDAI, 2010, p. 19.
11 Organisation Internationale de la Francophonie, Guide pratique : les processus de transition, justice, vérité et réconciliation dans l'espace francophone, Paris, 2013, p. 132. Balkans(2012), Côte d'Ivoire (2011), Madagascar (2012), Mali (2013) et Brésil (2011). En projet : au Gabon, en Guinée, en Mauritanie, en République Centrafricaine, en Tunisie et en Colombie.
12 P. Hayner, Unspeakable truths. Transitional justice and the Challenge of truth commissions, New York and London, Routledge, Second Edition, 2011, p. 210.
13 Ibid., p. 211.
14 Loi organique n° 1/018 du 27 décembre 2004 portant missions, composition, organisation et fonctionnement de la Commission nationale pour la vérité et la réconciliation.
15 Loi organique n° 4/018 du 30 juillet 2004, portant création, attributions et fonctionnement de la Commission vérité et réconciliation.
16 Traduction prise de la digithèque mJP de l'Université de Perpignan.
17 R. Uprimny et M. P. Saffon, « Usos y abusos de la justicia transicional en Colombia ». In : Justicia y Paz. ¿Cuál es el precio que debemos pagar?, sous la dir. de A. Rangel Suárez, Bogotá: Intermedio, p. 174.
18 M. Ndikumasabo et S. Vandeginste, « Mécanismes de justice et de réconciliation en perspective au Burundi », L'Afrique des Grands Lacs, Annuaire 2006-2007, sous la dir. de S. Marysse, F. Reyntjens et S. Vandeginste, Paris, L'Harmattan, 2007, pp. 109-133. En avril 2014, le Sénat de Burundi a adopté le projet de loi portant mise en place de la Commission vérité etréconciliation. Cette loi fut votée sans la participation de l'opposition et est l'objet de fortes critiques.
19 M. Schotsmans, « La justice transitionnelle pendant la période de la transition politique en RDC», L'Afrique des Grands Lacs. Annuaire 2006-2007, sous la dir. de S. Marysse, F. Reyntjens et S. Vandeginste, Paris, L'Harmattan, 2007, p. 209.
20 M. Zaki, « Petites constitutions et droit transitoire en Afrique », RDP, n° 6, 2012, pp.1667- 1697. E, Cartier, « Les petites Constitutions : contribution à l'analyse du droit constitutionnel transitoire », R.F.D.C., n° 71, PUF, juillet 2007, pp. 513-534.
21 C. Thiriot, « La consolidation des régimes post-transition en Afrique. Le rôle des commissions électorales nationales », In Voter en Afrique. Comparaison et différenciations, sous la dir. de P. Quantin, Paris, L'Harmattan, 2004, p. 131.
22 Ibid., p. 135.
23 S. Balde, « Juge constitutionnel et transition démocratique. Étude de cas en Afrique subsaharienne francophone », 8e Congrès mondial de l'association international de droit constitutionnel, Mexico, décembre 2010, p. 10 ; G. CONAC, « Le juge et la construction de l'État de droit en Afrique francophone ». In : L'État de droit. Mélanges en l'honneur de Guy Braibant, Paris, Dalloz, 1996, pp. 105-119.
24 F. Hourquebie, « La notion de “justice transitionnelle” a-t-elle un sens ? », VIIe Congrès français de droit constitutionnel, AFDC, Paris, 25, 26 et 27 septembre 2008, p. 10.
25 X. PHILIPPE, « La spécificité du droit de transition dans la reconstruction des États démocratiques. L'exemple de l'Afrique du Sud ». In : Droit et démocratie en Afrique du Sud, sous ladir. de L. Serment, L'Harmattan, Paris, p. 53 ; X. PHILIPPE, « Le rôle du constitutionnalisme dans la construction des nouveaux États de droit ». In : Constitutions et finances publiques, Études en l'honneur de Loïc Philip, Paris, Economica, 2005, p. 198.
26 À titre d'exemples voir : la Haute autorité de l'audiovisuel et de la communication (art.143 de la Constitution du Benin de 1990 ; le Conseil national de la communication (art. 159 del'acte constitutionnel du Burundi de 1998 ; art. 223 de la Constitution de transition du Burundi de 2001 ; art. 284 de la Constitution du Burundi de 2005 ; art. 94 de la Constitution du Gabon de 1991), le Haute conseil de la communication (art- 103 de la Constitution de la République centrafricaine de 2004 ; le Conseil supérieur de la liberté de la communication (art. 161 de la Constitution du Congo de 2002) ; la Haute autorité de la communication audiovisuelle (art. 165 de la Constitution du Royaume du Maroc de 2011) ; le Conseil supérieur de la communication (art.124 de la Constitutionnel du Niger de 1999 ; art. 130 de la Constitution du Niger de 2009 ; art. 156de la Constitution du Niger de 2010) ; la Haute autorité des médias (art. 154 de la Constitution de la transition de République Démocratique du Congo) ; le Conseil supérieur de l'audiovisuel et de la communication (art. 212 de la Constitution de la République Démocratique du Congo de 2006) ; la Commission de la communication audiovisuelle (art. 127 de la Constitution de la Tunisie).
27 N. YOUSSEF, La transition démocratique et la garantie des droits fondamentaux. Esquissed'une modélisation juridique, Thèse en droit, Paris, Editions Publibook Université EPU, Collection droit & sciences politiques, 2011, pp. 183-190.
28 C. Thiriot, « La consolidation des régimes post-transition en Afrique. Le rôle des commissions électorales nationales », In Voter en Afrique. Comparaison et différenciations, sous la dir. de P. Quantin, Paris, L'Harmattan, 2004, p. 139.
29 Des Commission nationales des droits de l'Homme: Constitution du Congo de 2002 (art. 167); Constitution de la République islamique de Mauritanie de 1991 (art. 97); Constitution provisoire d'Irak de 2004 (art. 50); Constitution d'Irak de 2005 (art. 102); Constitution du Royaume du Maroc de 2011 (art. 161); Constitution du Niger de 2009 (art. 133); Constitution du Niger de 2010 (art. 44) ; Constitution de la Tunisie de 2014 (art. 128); Constitution de la transition de la République Démocratique du Congo de 2003 (art. 154); des ombudsmans: Constitution intérimaire post transition du Burundi de 2004 (art 237) ; Constitution du Burundi de 2005 (art. 237); le Conseil national de médiation: Constitution de la République centrafricaine de 2004 (art. 104); le défenseur du peuple : Constitution d'Espagne de 1978 (art. 54); ou des médiateurs de la République : Constitution du Congo de 2002 (art. 161); Constitution du Royaume du Maroc de 2011 (art. 162) ; Constitution du Niger de 2009 (art. 136).
30 Constitution du Royaume du Maroc de 2011 (art. 161). http://www.ccdh.org.ma/fr/bulletin-d-information/la-constitutionnalisation-du-conseil-national-des-droits-de-lhomme.
31 Acte constitutionnel de 1998 (art. 150), Constitution de transition de 2001 (art. 208) et Constitution de 2005 (art. 269).
32 Constitution de transition de 2001 (art. 213) et Constitution de 2005 (art. 274).
33 X. PHILIPPE, « La spécificité du droit de transition dans la construction des États démocratiques. L'exemple de l'Afrique du Sud ». In : Droit et démocratie en Afrique du Sud, sous la dir. de L. SERMENT, Paris, L'Harmattan, 2001, p. 35.
34 X. PHILIPPE, « Le rôle du constitutionnalisme dans la construction des nouveaux États de droit ». In : Constitutions et finances publiques, Études en l'honneur de Loïc Philip, Paris, Economica, 2005, p. 191.
35 Ibid., 193.
36 X. PHILIPPE, « La spécificité du droit de transition dans la reconstruction des États démocratiques. L'exemple de l'Afrique du Sud ». In : Droit et démocratie en Afrique du Sud, sous la dir. de L. Serment, Paris, L'Harmattan, p. 52.
37 X. PHILIPPE, « Le rôle du constitutionnalisme dans la construction des nouveaux États de droit ». In: Constitutions et finances publiques, Études en l'honneur de Loïc Philip, Paris, Economica, 2005, p. 200.
38 X. PHILIPPE, « La justice transitionnelle est-elle compatible avec les principles constitutionnels reconnus dans un nouvel État de droit ? ». In : 8e Congrès mondial de l'association international de droit constitutionnel, Mexico, décembre 2010, p. 7.
39 L. Margarrell et al., Les réparations en théorie et en pratique, International Center for Transitional Justice, ICTJ, Série justice réparatrice, 2007, p. 1. En ligne : http://ictj.org/sites/default/files/ICTJ-Global-Reparations-Objectives-2007-French.pdf.
40 X. PHILIPPE, « La justice transitionnelle est-elle compatible avec les principles constitutionnels reconnus dans un nouvel État de droit ? ». In : 8e Congrès mondial de l'association international de droit constitutionnel, Mexico, décembre 2010, p. 8.
41 X. PHILIPPE, « Brèves réflexions sur les relations entre « justice transitionnelle » et constitution ». In : Renouveau du droit constitutionnel. Mélanges en l'honneur de Louis Favoreu, Paris, Dalloz, 2007, p. 378.
42 X. PHILIPPE, « Commission vérité et réconciliation et droit constitutionnel », Revue Le Genre humain n° 43, « Vérité, Réconciliation, Réparation », sous la dir. de B. Cassin, O. Cayla et P. J. Salazar, Paris, EHESS, Éditions du Seuil, novembre 2004, p. 226.
43 Ibidem, p. 229.
44 Décision AZAPO vs. the President of the Republic of South Africa, CCT 117/96 du 25 juillet de 1996; X. PHILIPPE, « La justice dans les constitutions de transition : régime dérogatoire ou justice d'exception ? L'exemple de la Commission vérité et réconciliation en Afrique du Sud », Revue Pouvoirs, n° 95, 2000, p. 165.
45 Ibid.
46 C. Bernal Pulido, « Le fondement et la signification de la doctrine de la sustitución de la Constitución en Colombie. Une analyse du contrôle de constitutionnalité des réformes constitutionnelles en Colombie », Politeia, Droit constitutionnel et droits externes, nº 22, automne 2012, pp. 571-592.
47 X. PHILIPPE, « Commission de vérité et réconciliation et droit constitutionnel », Revue Le Genre humain n° 43, « Vérité, Réconciliation, Réparation », sous la dir. de B. Cassin, O. Cayla et P.J. Salazar, Paris, EHESS, Éditions du Seuil, novembre 2004, p. 235.

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